
Les métamorphoses de l’écrivain engagé
Si l’on peut dégager quatre figures de l’écrivain engagé (l’esthète, le notable, l’avant-garde et le polémiste), on observe aujourd’hui une repolitisation de la littérature, fondée sur la critique de l’ordre établi, l’adoption du point de vue des dominés, et le recours à de nouveaux canaux comme les festivals littéraires.
L’engagement politique des écrivaines s’opère traditionnellement sur deux modes : par des prises de position politiques ou par les œuvres, les deux n’étant pas exclusifs1. Sartre considérait que l’engagement par les œuvres, qu’il soit revendiqué ou non, est consubstantiel à la prose littéraire. Si je souscris à l’idée sartrienne que l’écriture engage, c’est toutefois à partir de fondements philosophiques différents, en la pensant comme une forme symbolique, suivant Ernst Cassirer2. En tant que telle, la littérature véhicule en effet une vision du monde, concept qui, non sans poser problème, apparaît plus pertinent que celui d’idéologie, lequel présuppose un système politique élaboré et cohérent. La vision du monde englobe des schèmes de perception et de jugement esthétiques et éthico-politiques plus flous, tout en établissant un rapport entre le monde possible de la fiction et le monde réel, qui est une des conditions de la communication avec le lectorat. Cette vision du monde, ces schèmes, et leur mise en forme, suscitent chez le lecteur ou la lectrice des réactions, des émotions, une réflexion, qui vont de l’empathie à la répulsion en passant par la pitié, l’indignation, le dégoût et autres émotions, et qui sont liés à des jugements d’ordre moral. Sous ce rapport, la littérature peut être un instrument de reproduction d