
Les paradoxes de l'humanisme séculier en Europe
En écho à L'Âge séculier de Charles Taylor
Au niveau social, la sécularité renvoie à une situation où la foi est une possibilité parmi d’autres, mais le présent est le lieu de diverses tendances. Etant donné les mouvements de contre-sécularisation, à l’âge de l’incertitude, il faut sans doute d’abord défendre la pertinence d’une vie sans religion.
Dans quelle mesure la religion doit-elle « être de son temps », s’accorder avec certaines dimensions de l’époque présente, de l’époque moderne[1] ? Cette question est devenue importante et même cruciale, et le demeure, en particulier pour le christianisme, auquel je m’en tiendrai ici, et l’islam. Dans la sociologie des religions et la philosophie contemporaines, on constate deux façons distinctes, et concurrentes, de poser cette question, selon la manière de caractériser ce « présent », c’est-à-dire « notre » situation. Pour faire bref : selon une première approche, nos sociétés occidentales au moins – mais ce serait une tendance en développement à l’œuvre aujourd’hui dans le monde entier – peuvent être dites « sécularisées ». Nous vivons, selon le titre d’un ouvrage sorti il y a quelques années et vite devenu un classique, « a secular age », l’« âge séculier[2] ». Il faut alors prendre la mesure de ce qui inscrit les religions contemporaines, qu’elles le veuillent ou non, dans ce cadre sécularisé – quitte à mettre en cause certaines dimensions de ce « cadre ». Selon une autre approche, nous nous trouvons plutôt après la sécularisation, dans une ère « post-séculière », qui remet en cause l’« humanisme séculier » qui s’est imposé, en Europe plus que partout ailleurs, durant l’ère précédente. Au-delà d’une querelle de noms assez artificielle, comment comprendre ces deux conceptions du séculier et leurs effets sociétaux contraires ?
Les trois étages de la sécularité
Par sécularisation, on entend classiquement le déclin de l’influence sociale des religions, observable et mesurable, en tout cas dans l’Europe contemporaine, par-delà l’affaissement de la pratique religieuse. Dans L’Âge séculier, le philosophe canadien Charles Taylor estime cependant que la thèse de sécularisation comporte plusieurs strates. C’est un édifice, une maison à étages, et s’il y a un accord relatif sur le diagnostic à un certain niveau, les choses se compliquent à d’autres.
Au rez-de-chaussée, tout le monde est d’accord sur le constat sociologique : les institutions religieuses sont « moins » déterminantes que dans le passé, en Occident du moins. Elles ne « produisent » ou ne prescrivent plus directement les normes du vrai, du juste et du bien. Les différents secteurs sociaux ont acquis une autonomie indiscutable ; l’art est en principe libre, il n’est pas soumis à une censure religieuse, de même pour la recherche scientifique. La liberté de conscience est reconnue et garantie : on peut être athée ou d’une confession minoritaire sans que cela n’entraîne des handicaps, en principe, en termes de droits civiques. La citoyenneté est disjointe de l’appartenance confessionnelle, etc. Le résultat de ce premier niveau de sécularité est résumé ainsi par Taylor : « Être croyant ou non est une affaire essentiellement privée. La société politique est affaire de croyants (de toutes obédiences) et de non-croyants. »
Cette dissociation de la religion et de la politique est un trait relativement récent, et inégalement poussé, de nos sociétés. Ce n’est le cas ni de la plupart des sociétés passées ni de bon nombre des sociétés non occidentales. La sécularité renvoie donc à une « situation où la foi, y compris pour le croyant le plus inébranlable, est une possibilité parmi d’autres ». Inversement, « l’humanisme exclusif » ou « auto-suffisant » est devenu une option de masse dans les sociétés occidentales contemporaines – à la différence de l’épicurisme en Grèce ancienne, qui était une secte philosophique vue comme athée mais en réalité maintenait plutôt l’idée de « dieux » (au pluriel) parfaitement inactifs. Il importe, selon Taylor, de prendre toute la mesure de ce « changement titanesque » pour reprendre son expression, de ce « cadre immanent » (immanent frame) et de la modification qu’il apporte à la façon dont un croyant peut vivre sa foi, comme à la façon dont un incroyant peut percevoir (et juger, et heureusement critiquer librement) la religion. Il s’agit donc de percevoir un « arrière-plan » qui nous est masqué par son évidence même (une notion que Taylor tire de certaines relectures de Heidegger et de Wittgenstein[3]), et de dégager les dimensions essentielles des « imaginaires sociaux modernes » qui ont fait de nous ce que nous sommes. L’expérience de la croyance elle-même change radicalement de statut lorsqu’elle est une « libre option simplement possible » et débattue, voire majoritairement contestée, et lorsqu’elle est peu ou prou obligatoire.
Mais comment est-on arrivé à cette situation ?
On passe ici à l’étage ou au niveau inférieur, à un plan historique où prolifèrent les explications, les hypothèses quant à ce qui a produit ce résultat constatable au rez-de-chaussée. Ici, on est beaucoup moins d’accord. Selon Taylor, « many narratives », des récits nombreux, se font concurrence. Certains insistent sur les ruptures : par exemple, en Europe, celle qu’a représentée la Réforme protestante, la subjectivation et la pluralisation de la foi, ou encore celle qu’ont constituée la révolution scientifique et ses effets, ou les ruptures politiques avec les Déclarations des droits, l’influence de philosophies libérales comme celle de Locke, la Révolution française… D’autres construisent un récit qui raconte une sorte de Grande Réforme continue travaillant en quelque sorte les potentialités internes au christianisme : la distinction, justement, entre deux sphères ou deux Cités, l’autonomisation progressive de la sphère « séculière » jusqu’à la séparation… D’autres, enfin, insistent sur les effets imprévus, les conséquences paradoxales de positions théologiques « radicales » : comment, par exemple, une théologie de la toute-puissance divine, telle que le nominalisme, a obligé à chercher de nouveaux fondements pour le savoir et l’action (ce Dieu tout-puissant pouvait à tout moment défaire ce qu’il avait fait, y compris le monde, la fiabilité des signes, etc.).
Et on parvient in fine à l’étage supérieur, celui qui est le plus évident, le plus présent dans le débat public. Il renvoie à la fois au sens de la sécularisation et à son extension mondiale. À cet étage, on s’interroge sur la sécularité dans le premier sens, le constat du déclin de la croyance et de la pratique religieuses : s’agit-il d’une « exception européenne » ou d’un phénomène en cours de mondialisation ? Mais qu’en est-il alors des mouvements qu’on a appréhendés comme « retour du religieux », nouvelles théologies politiques, néo-fondamentalismes ?
Post-sécularisation
Ici s’ouvre l’espace pour une seconde lecture, en termes de « post-sécularisation ». Certains sociologues avaient développé dans les années 1960 une « théorie de la sécularisation » où celle-ci apparaissait comme un destin inéluctable de l’ensemble des sociétés, sous l’effet de la science, de la technique, de l’extension planétaire du marché et de l’État moderne ainsi que des idéologies ou des systèmes politiques modernes (libéralisme, socialisme, etc.). Or cette vision évolutionniste s’est heurtée à une série d’événements contraires : de la révolution islamique en Iran en 1979 au développement accéléré des mouvements néo-évangéliques aux États-Unis, en Amérique latine, en Afrique (y compris en terre musulmane) et même en Asie (en Corée du Sud notamment), de l’essor de néo-fondamentalismes divers à des affirmations politiques d’une « identité » confessionnelle… Ce constat a conduit un sociologue de la sécularisation comme Peter Berger à estimer qu’il avait fait radicalement fausse route : « Le monde d’aujourd’hui est aussi furieusement religieux qu’il l’a toujours été », écrit-il en ouverture d’un livre collectif paru en 1999, avec un titre des plus explicites : « La dé-sécularisation du monde[4] ».
D’autres observateurs ont avancé le thème d’une « post-sécularité » : de retour, les religions refuseraient leur cantonnement à la sphère privée, elles afficheraient ou revendiqueraient une nouvelle visibilité voire une présence politique dans l’espace public, comme on le voit à travers le port de plus en plus fréquent de signes religieux, dont le fameux « voile islamique », mais aussi dans l’expression publique, redevenue forte voire bruyante, d’associations religieuses ou de l’Église, par exemple contre les projets de légalisation du mariage homosexuel en France ou en Espagne.
Bref, dit-on alors, « secularization is over » : la sécularisation, c’est fini, la laïcité dite « rigide » aussi, et il faudrait admettre que le monde contemporain est celui d’une réaffirmation publique des identités religieuses.
On n’entrera pas ici dans une discussion approfondie de la théorie de la post-sécularisation. On se contentera de faire remarquer que dans ces discours, on mêle souvent à des constats (justes) une forme de discours performatif, un discours qui cherche à « agir », à avoir l’effet qu’il décrit comme déjà advenu. On suggère alors que la sécularisation (ou, en France, la laïcisation) appartient au fond déjà au passé, parce qu’on aimerait bien qu’elle n’appartienne qu’au passé, comme s’il ne s’agissait pas d’un processus en réalité toujours en cours, ouvert.
Mais le présent n’est jamais le lieu d’une tendance unique, ou univoque : ainsi, s’il est vrai que le processus de sécularisation ne continue pas, à certains égards, à suivre son cours, la légalisation du mariage homosexuel, non seulement en France mais en Espagne ou au Portugal, ou celle de l’avortement en Irlande, en sont des signes majeurs, de même que certaines évolutions au sein des pays musulmans, où des révoltes populaires ont été largement le fait d’une jeunesse qui s’est mobilisée sur Internet et a peu mis en avant un référent religieux. Et la recherche d’une articulation de la démocratie et des concepts constitutionnels issus de la philosophie politique moderne (comme la souveraineté du peuple, la liberté de conscience, les droits universels étendus aux femmes…) avec des traditions culturelles musulmanes est aujourd’hui un des aspects frappants de l’expérience tunisienne.
À la recherche d’un langage plus subtil
Cependant, l’inconvénient de ces catégories (société « sécularisée » ou société « post-séculière ») vient aussi de ce qu’elles ne saisissent qu’une facette, qu’une partie de tendances souvent contradictoires. C’est sans doute pour cette raison que Charles Taylor plaide, dans L’Âge séculier, pour ce qu’il appelle « un langage plus subtil ». Il écarte une interprétation du présent et de la sécularisation en termes de simple « soustraction », selon laquelle dans la modernité, la religion serait vouée à disparaître, « libérant » un monde qui était là et ne lui devrait rien. Or « l’autonomie du sujet », par exemple, où l’on voit une aspiration typique de la modernité éthico-politique, a bien été initialement marquée par un registre chrétien, chez Rousseau (« l’immortelle et céleste voix » de la conscience, qui fait de celle-ci un « guide infaillible du bien ou du mal ») ou chez Kant (« la loi morale en moi », ou le sens de la solidarité qui devrait nous unir avec des gens vivant très loin de nous, avec l’étranger…). Nous avons donc besoin d’un récit plus complexe à propos des marqueurs du passé religieux – chrétien en l’occurrence. Mais Taylor rejette plus encore les théologies politiques antimodernes, ou les intégrismes qui se présentent comme des retours vers des sources supposées pures, un islam des origines largement imaginaire ou une Église catholique qui n’aurait pas été affectée par l’individualisme moderne ou par l’imaginaire social du Progrès.
Aujourd’hui, compte tenu
du caractère vite oppressif des mouvements de « contre-sécularisation », il faut prioritairement défendre l’idée qu’on peut très bien vivre
sans religion.
Cette recherche d’un « langage plus subtil » est corrélée, chez Taylor, au souci d’éviter l’apparition de fractures entre croyants et incroyants, ou, comme il le dit, de développer une « conversation » entre croyants de toutes confessions et incroyants, où les uns et les autres s’efforceraient, le plus possible, de ne pas se caricaturer réciproquement. Les uns et les autres, selon Taylor, partagent à l’égard du présent de communes insatisfactions : notamment une quête de plénitude, de multiples souffrances dues, en partie, selon ce « moderne catholique » que Taylor dit être et veut être, à l’absence de compassion et au développement de diverses formes d’égoïsme ou d’exclusivisme (« nous d’abord », xénophobie, mépris des pauvres…). Mais dans quelle mesure ces souffrances sont-elles favorisées par ce que Taylor appelle « l’humanisme exclusif », qui voudrait couper tout lien avec les ressources des éthiques religieuses et qui tend à penser un sujet « désencombré » de toute appartenance ? Ne faudrait-il pas évoquer aussi d’autres facteurs historiques, sociaux, économiques…, inscrits dans les structures du capitalisme ou du néolibéralisme contemporain ? Taylor les effleure à propos de « l’égoïsme supérieur » de l’ultralibéralisme. Il faudrait sans doute y ajouter certaines orientations de la société industrielle telle qu’elle a été comprise depuis le xixe siècle, sans égard pour la nature et les individus qu’elle exploite.
Cependant, autant la lecture par Taylor des divers niveaux de la sécularité contemporaine semble riche, autant la critique de « l’humanisme exclusif » repose, à mon sens, sur des prémisses discutables. Aujourd’hui, compte tenu du caractère vite oppressif des mouvements de « contre-sécularisation », il faut prioritairement défendre l’idée qu’on peut très bien vivre sans religion (y compris en entendant ce « bien » au sens moral)[5]. Mais en effet – Taylor y rend sensible – il importe que cette défense du sécularisme ne s’accompagne d’aucun mépris à l’égard des croyants et ne nourrisse pas l’impression d’une arrogance de l’Occident. C’est une voie étroite, mais c’est à s’y inscrire résolument qu’incite le présent instable de la sécularisation européenne. Le moment actuel est assurément un temps « hors de ses gonds », où ce qui pouvait sembler stable et assuré de son avenir (le cadre de la démocratie libérale, l’Europe, la laïcité, le rejet du fascisme…) est soumis à des très fortes perturbations, aux sources multiples.
Sécularisation ou postsécularisation ?
Un récit non préécrit
L’espoir de Taylor (que partagent des intellectuels agnostiques comme Habermas), suivant lequel des impulsions « chrétiennes » en faveur d’une plus grande solidarité et d’un souci des vies les plus fragiles ou exposées pourraient équilibrer les tendances égoïstes des sociétés capitalistes actuelles, est-il confirmé par l’actualité la plus récente ? Certes, le pape François a réactivé un registre social de l’Église, une critique de l’argent-roi, et appelé à un accueil des migrants digne de ce nom, et l’on pourrait citer nombre d’associations catholiques qui viennent en aide aux plus démunis. Mais la droitisation du monde catholique est manifeste aussi, c’est-à-dire la combinaison d’une défense des valeurs « traditionnelles » au plan sociétal (dans la « Manif pour tous » ou à travers les projets du mouvement Sens commun), avec un appui à des politiques économiques favorisant les mieux dotés au détriment des prétendus « assistés ». En France, le large soutien des milieux catholiques au candidat Fillon en était un signe national. Aux États-Unis, les télévangélistes les plus réactionnaires jouissent d’une visibilité accrue dans le soutien à Trump, et les Églises évangéliques brésiliennes ont massivement appelé à voter pour le candidat d’extrême droite brésilien. Quant aux tendances les plus fortes de l’islam contemporain, au moins dans la sphère arabo-musulmane, elles ne vont pas dans le sens de sociétés ouvertes, même si l’histoire de l’islamisme au pouvoir réserve quelques surprises : comme le relève l’islamologue Adrien Candiard, toute islamisation de la société s’accompagne d’une sécularisation, en ce sens que plus les sociétés deviennent islamistes, plus des individus, surtout des jeunes, rompent avec la tradition musulmane et décident de ne plus pratiquer l’islam ou de mettre en cause la coercition sur les mœurs – on le voit en Iran même[6].
Les ressources éthico-politiques de l’humanisme séculier, parfois ravivées par des traumatismes théologico-politiques comme l’attentat contre Charlie Hebdo, semblent néanmoins elles aussi fragiles, et de plus en plus battues en brèche par les appels à une Europe qui romprait avec toute tradition d’accueil de l’étranger aussi bien qu’avec le souci de lutte contre les inégalités. Au point qu’une page semble se tourner sous nos yeux, avec l’ébranlement des deux familles spirituelles autour desquelles Taylor articulait encore son propos conclusif : les formes d’humanisme séculier qui irriguaient encore la gauche sociale-démocrate comme la droite sociale-libérale cèdent la place à des nationalismes xénophobes et à des populismes ouvertement racistes, qui peuvent mettre en avant, alternativement et indifféremment, une identité « chrétienne » ou une idée « laïque » des nations européennes, pourvu que celles-ci soient posées comme des forteresses culturelles à défendre contre les migrants. Mais les formations démocrates-chrétiennes ou de gauche chrétienne ont également décliné, laissant l’espace public aux versions les moins progressistes du catholicisme, du néo-évangélisme et de l’islam.
L’ensemble des ressources éthiques universalistes, religieuses et sécularisées connaît un puissant mouvement de recul, tandis que la « guerre des identités » devient plus virulente. Cette phase ne s’intègre à aucun récit préécrit de sécularisation ou de post-sécularisation, elle confirme plutôt que l’histoire, imprévisible, se laisse mal synthétiser par ces succédanés de philosophies de l’Histoire qu’ont parfois été les paradigmes cardinaux de la sociologie des religions. L’âge séculier est un âge de l’incertitude.
[1] - Une première version de cet article a été présentée au Théâtre national de Bordeaux (Tnb) le 20 mai 2016 pour la deuxième Nuit des idées (université de Bordeaux Montaigne/Tnb/Librairie Mollat) consacrée au thème « Être de son temps ? ».
[2] - Charles Taylor, L’Âge séculier, Paris, Seuil, 2011 ; voir Jean-Louis Schlegel, « Les avenirs incertains de la sécularisation », Esprit, juin 2011.
[3] - C. Taylor, L’Âge séculier, op. cit., p. 312.
[4] - Peter Berger (sous la dir. de), The Desecularization of the World: Resurgent Religion and World Politics, Grand Rapids, Eerdmans, 1999.
[5] - L’ouvrage à venir de Colas Duflo, Philosophie des pornographes (Paris, Seuil, coll. « L’ordre philo-sophique », 2019) rappelle ainsi comment la philosophie des Lumières a défendu l’idée d’une déculpabilisation du plaisir sexuel parfaitement compatible avec une société harmonieuse et une vie morale « honnête », tout en développant une critique de l’hypocrisie malsaine des religieux dans leur rapport à la sexualité. Le moins qu’on puisse dire est que la multiplication des scandales de pédophilie dans l’Église confirme amplement cette ligne d’argumentation, développée par ces romans libertins qui firent, au xviiie siècle, largement usage de pensées philosophiques et contribuèrent à l’édification d’une nouvelle morale séculière.
[6] - Adrien Candiard, Comprendre l’islam – ou plutôt : pourquoi on n’y comprend rien, Paris, Flammarion, coll. « Champs actuel », 2016. Le récent ouvrage d’Anne-Clémentine Laroque, L’Islamisme au pouvoir (Paris, Presses universitaires de France, 2018), documente aussi la façon dont l’expérience des partis islamistes en Tunisie, en Égypte et au Maroc a produit une forme de sécularisation, par le passage de la prédication à l’opposition politique – première phase de « désabsolutisation » – puis le passage de l’opposition au pouvoir, avec ses désillusions, son pragmatisme obligé, ses compromis et la fin d’une posture d’alternative radicale aux régimes antérieurs.