Les aventures de la conscience historique au Rwanda
Un génocide interpelle l’histoire humaine de façon contradictoire. Il mobilise d’une part des interrogations sur les processus qui ont pu conduire à cette horreur absolue, suscitant des débats passionnés sur les arrière-plans historiques, sur les responsabilités engagées à court ou long terme1. Il tétanise d’autre part les victimes de cette tentative d’extermination, il inspire une fascination morbide qui tend à faire de l’événement un moment à la fois révélateur et fondateur, au risque de rejeter comme négligeable tout ce qui a précédé. Le camp d’extermination nazi devient un lieu incompréhensible, où l’humanité s’anéantit dans un mystère du mal2.
De même, sur une de ces collines touchées par la « saison des machettes », Jean Hatzfeld constate cette sorte de vide humain :
Sur la commune de Nyamata, pas un réflexe de camaraderie de footeux, pas un geste de compassion pour les nourrissons à relever. Aucun lien d’amitié ou d’amour qui ait survécu3…
Mais d’autres témoignages ouvrent les pistes de l’histoire antérieure :
Il y avait des radios qui nous rabâchaient de tuer tous les Tutsis depuis 1992. […] Je crois que l’idée du génocide a germé en 1959, quand nous avons commencé à tuer des lots de Tutsis sans éprouver de punitions ; et nous ne l’avons jamais enterrée profondément depuis… Nous, on se disait que les Tutsis étaient devenus de trop, mais ce n’était pas une idée préoccupante. On en parlait, on oubliait, on patientait… Comme pour les travaux de culture, on attendait la bonne saison. La mort de notre président a été le signal du chaos final. Mais comme pour la récolte, c’était ensemencé d’avant4.
Le témoignage d’Esther Mujawayo est également très éclairant sur le rapport au passé chez les rescapés. Au lendemain des tueries ou encore dix ans après, il ne suffisait pas d’avoir survécu, il fallait passer de la « condamnation à vivre » au « choix de vivre ». Et la mémoire alors ne peut évacuer la peur intériorisée depuis l’enfance, liée à l’omniprésence d’un racisme officiel et populaire, qui a fini par devenir comme naturel, à tel point que les violences antitutsi au Rwanda ont toujours été traitées par des euphémismes, le « travail » (akazi), mais aussi le « vent » (umuyaga), ce vent mauvais qui avait soufflé périodiquement, en 1959, 1961, 1963, 1967, 1973, de 1991 à 19935.
L’histoire spécifique du peuple occupant depuis des siècles cet espace de la région des Grands Lacs appelé le Rwanda est donc en jeu. Mais de quelle histoire s’agit-il ? Ou plus précisément, quelles sont les paroles sur le passé qui ont été porteuses de cette histoire ? Ce qui a été raconté et ce qui a été écrit. C’est là que les difficultés commencent, même si les observateurs de cette région d’Afrique ont si souvent le mot histoire plein la bouche.
En kinyarwanda, la façon de désigner l’histoire est significative : ma-teeka, les informations sur le passé. Ce terme voisine en effet étymologiquement avec gu-teeka – « sièger » (pour le roi), « trôner » – et avec i-teeka – « décision, édit, sentence ». Le terme relatif à l’histoire est lesté de pouvoir et de respect6. La comparaison avec le Burundi voisin, dont la langue est pratiquement la même, montre la spécificité du cas rwandais. En kirundi, vous expliquez simplement que vous recherchez les « choses du passé », ivya keera7. Ensuite, les détenteurs de cette connaissance distinguent amakuru, les « informations » rapportées parce qu’on a vu les événements ou qu’on en a entendu parler par des témoins jugés fiables, ou imigani, des « récits » qui sont simplement rapportés sans source précise, un terme qui englobe aussi « les contes, les légendes, les dictons ». On a donc une description simple et concrète, paysanne pourrait-on dire, du rapport au vécu dans le cas burundais, une évocation soumise à autorité dans le cas rwandais.
Néanmoins, la réalité couverte par ce terme ma-teeka a connu plus de vicissitudes que la simple philologie ne le suggère. Sans prétendre à l’exhaustivité d’une historiographie, mais sans rester les yeux collés sur l’actualité, nous allons tenter de rendre compte des approches de l’histoire de ce pays du xixe siècle à nos jours, afin d’en dégager les logiques et les faux-semblants, avec l’espoir d’ouvrir des pistes pour le futur immédiat.
L’ancien royaume : l’héritage pesant des discours d’origine
Pour reprendre une expression de François Hartog8, le régime d’historicité de l’ancien Rwanda, à l’égal des autres civilisations fondées sur la tradition, est celui de l’historia magistra, porteuse des héritages exemplaires du passé. Le passage à la domination coloniale n’a guère changé cette façon de voir, sinon d’investir ce passé d’un référent racial censé lui conférer une scientificité supérieure.
Les récits du passé : la fascination du pouvoir et le respect des généalogies
Les traditions orales de l’ancien Rwanda, telles qu’elles ont été recueillies et transcrites par les premiers Européens installés dans le pays, essentiellement par les missionnaires, et telles qu’elles ont ensuite été enregistrées sur magnétophone, essentiellement par les chercheurs du centre Irsac (Institut pour la recherche scientifique en Afrique centrale) de Butare dans les années 1950, l’historien Jan Vansina et le linguiste André Coupez, sont des récits focalisés sur la formation et l’expansion du royaume. Dans son introduction à une première synthèse publiée en 1962, Vansina faisait observer9 :
Les premiers historiographes du Rwanda étaient les grands seigneurs vivant à la cour de leur roi. Pour eux, le passé du Rwanda était l’histoire d’un progrès pratiquement ininterrompu d’un peuple élu, les Tutsi, dont la dynastie royale descendait du ciel. À partir des pâturages du noyau primitif, le Rwanda s’est étendu et a continué à s’étendre, parce que sa noblesse et sa dynastie étaient plus douées qu’aucune autre pour la guerre et pour le gouvernement des hommes…
Même si les mémorialistes et narrateurs de cette histoire n’étaient pas les « grands seigneurs » eux-mêmes10, le propos est clair. L’histoire du pays était liée à un pouvoir, celui d’une monarchie et celui d’une dynastie. Les défaites étaient gommées ou éludées, la supériorité de la dynastie tutsi des Banyiginya en ressortait au détriment des anciennes principautés hutu ou tutsi assujetties, des royaumes voisins vus de manière condescendante, des autres lignages tutsi que seules des alliances avec la famille royale pouvaient rehausser et des Rwandais d’appartenance hutu ou twa.
La critique de cette historiographie (ou plutôt de cette historiolalie, une « histoire parlée ») a donc accompagné l’émergence, dans les années 1960, d’une véritable histoire critique de l’Afrique et de la volonté de donner aux sources orales un statut scientifique de dignité égale à celui des archives. Sur ce terrain précisément, Jan Vansina a publié successivement deux ouvrages de référence analysant les problèmes posés par la transmission des traditions, montrant la nécessité d’identifier les porteurs de ces connaissances sur les plans social et politique, et soulignant aussi le caractère incontournable de la forme quasi littéraire prise par les récits mémorisés11.
La qualité de la conservation des récits historiques au Rwanda apparaît comme intimement liée à la centralisation du pouvoir12. Les narrations des aèdes rwandais, rencontrés sur les collines ou convoqués dans les bureaux de l’Irsac, sont devenues comme des monuments de la grandeur du passé rwandais. Par exemple, entre 1952 et 1954, un certain Gakanisha, issu d’une famille installée dans la région centrale du Nduga et devenu une sorte de narrateur professionnel, récite environ dix heures de « récits historiques », que publient ensuite en 1962 les linguistes André Coupez et Thomas Kamanzi13. Ce type de récits, dont la cristallisation a pu se faire dans les veillées des cours ou à l’ombre des camps militaires entre lesquels se répartissaient les armées royales au Rwanda, était dénommé ibitekerezo, c’est-à-dire des « réflexions » destinées à l’édification des auditeurs. La forme (les images, le rythme, la construction des séquences) est manifestement un garant de la qualité de la transmission, mais aussi de la présence d’une esthétique verbale. Ces énoncés oraux participent donc de la textualité et deviennent comme des objets relevant d’une archéologie du langage. L’historien de l’Afrique se trouvait en présence de ces textes oraux comme un nouveau Mabillon, proposant une méthode de comparaison des variantes.
Il est vrai que « l’oralité » des sociétés autrefois sans écriture est d’une nature très différente de la « mémoire collective » des sociétés contemporaines nourries d’écrits, d’école et de médiatisations diverses. Mais le respect professionnel à l’égard de ces sources s’est trouvé associé au respect calculé des autorités coloniales à l’égard de la hiérarchie « coutumière » dans le cadre du système de « l’administration indirecte ». Et ce respect scientifique et politique des Européens rencontrait et renforçait le respect cultivé par les Rwandais à l’égard des hauts faits du passé (amateka) et de leurs acteurs.
Sur le fond, le ressort de cette histoire, son traitement du temps, est celui des continuités de type généalogique. Le regretté Pierre Smith avait analysé en 1970 une des formes de la connaissance historique dans l’ancien Rwanda, l’ubucurabwenge, qu’il traduit littéralement par « la forge de l’intelligence14 ». Des mémorialistes conservaient la liste des rois dans l’ordre de filiation, accompagnée de la liste des reines mères avec leurs appartenances claniques. Le tableau qui en ressort a structuré durablement la chronologie du royaume rwandais en y incluant en amont deux séries de noms qui baignent dans un monde mythique associé aux légendes des deux héros fondateurs successifs, Kigwa, « Celui qui est tombé », et Gihanga, « Celui qui invente ». À la fin du xixe siècle, l’aristocratie rwandaise avait pris aussi possession du passé, en fondant son autorité sur des origines aussi prestigieuses que mystérieuses. Les équilibres entre les « clans » (amoko15), des entités spécifiques, englobant des Hutu, des Tutsi et des Twa, et dont les structures reflétaient chaque fois une histoire particulière, se trouvèrent également figés dans les termes de cette sorte de charte orale16.
La mainmise d’un schéma racial sur l’écriture du passé
La fascination des premiers partenaires européens de la monarchie rwandaise, missionnaires et colonisateurs, pour cette histoire qui extrayait le Rwanda des « ténèbres » attribués au reste de l’Afrique centrale, débute dès l’époque allemande. Nous ne reviendrons pas ici sur « l’idéologie hamitique », d’inspiration gobinienne, opposant les « seigneurs tutsi » censés être d’origine éthiopienne, aux « paysans hutu » définis comme « nègres bantous17 ». La figure emblématique de cette vision raciale est le missionnaire lorrain Léon Classe, un père blanc admirateur de Joseph de Maistre et de l’ordre médiéval, adjoint du vicaire apostolique Jean-Joseph Hirth dès 1908 avant d’être lui-même évêque du Rwanda de 1922 à 1945 et de devenir le grand inspirateur de la politique menée par les Belges dans ce pays, y compris de la destitution du roi « païen » Musinga en 1931 au profit d’un prince catéchumène18. Son idéologie est sans appel19 :
Évidemment, les Watutzi ne sont pas des indigènes ordinaires. Race supérieure…, ils constituent un terrain plus propice que d’autres à la germination de la bonne semence.
En règle générale, nous n’aurons pas de chefs meilleurs, plus intelligents, plus actifs, plus capables de comprendre le progrès, et même plus acceptés par le peuple que les Batutsi.
Les généalogies aristocratiques retiennent toute l’attention des clercs (au sens médiéval) qui prennent en charge l’histoire ancienne du pays. Le père Léon Delmas publie un ouvrage entièrement consacré à ce sujet20. Et le jeune abbé Alexis Kagame, encouragé par des missionnaires, se lance dès 1935 dans la collecte et l’étude de la « poésie dynastique » (l’uburabwenge vu plus haut). Il en tire une synthèse en kinyarwanda, Inganji Karinga (« Le tambour vainqueur21 ») qui va devenir la Bible de l’aristocratie lettrée. Proche à la fois de l’Église et de la cour, il livre jusqu’aux années 1970 des publications érudites qui font de lui le grand historiographe national. Lui aussi est obnubilé par les origines et les généalogies, sur lesquelles il bâtit une chronologie en s’inspirant des travaux du généalogiste autrichien Otto Forst de Battaglia sur les dynasties européennes22.
Mais, en même temps, ces filiations se retrouvent investies d’un marqueur biologique. La succession patrilinéaire se mue en hérédité des traits et l’histoire héroïque de la construction du royaume devient un aspect de la grande invasion d’une race supérieure venu du nord. C’est ainsi que Kigwa, le héros fondateur légendaire de la dynastie, venu du ciel avec tous les éléments de la culture rwandaise (le bétail, les plantes cultivées, la forge, etc. et même la bergeronnette, l’oiseau de bon augure !), devient le prototype d’une conquête tutsi23.
Entre 1937 et 1939, Louis de Lacger, un chanoine du clergé d’Albi, historien médiéviste de l’Aquitaine, est invité par Mgr Classe au séminaire de Kabgayi. Il rédige une synthèse historique où le Rwanda ancien est décrit à la manière du royaume des Capétiens bâti à partir de l’Île-de-France. Le modèle qui est appliqué ici est celui des « races historiques » selon Augustin Thierry, les Tutsi jouant le rôle des Francs face aux Gaulois24, à la différence près que les conquérants civilisateurs tutsi seraient d’origine hamito-sémitique, voire méditerranéenne, ce dont le prêtre français est informé par ses collègues du lieu, experts en la matière25 :
Ces seigneurs bouviers… d’où viennent-ils ? Quand on arrive de la Haute Égypte ou des plateaux d’Abyssinie au Ruanda, on les reconnaît de suite. On les a déjà vus ces hommes de haute taille, atteignant la moyenne de 1, 79 m […], minces de corps, aux membres longs et grêles, réguliers de traits, de port noble, graves et hautains… Ils ont le type caucasique et tiennent du sémite de l’Asie antérieure […] Avant d’être ainsi nigritisés ces hommes étaient bronzés. Les Grecs, qui les avaient […] rencontrés sur le littoral méditerranéen, à Jérusalem comme à Alexandrie, avaient été frappés de leur teint foncé et les avaient appelés « Visages-Brûlés »-Aethiops… Les Arabes traduisirent dans leur langue « éthiopien » par « hamite », mot qui signifie « brun-rougeâtre » [sic].
Ainsi l’histoire écrite sous la colonisation prolonge les traditions officielles du royaume, tout en leur donnant une nouvelle tonalité « scientifique », celle de l’anthropologie raciale de la fin du xixe siècle. Il faut aussi remarquer que la fascination des origines, des migrations et des entités ethniques occulte complètement l’histoire concrète des gens, le vécu économique et social. Des chroniques politico-guerrières de type médiéval font oublier les travaux et les jours ; les considérations sur les groupes définis par leurs origines priment sur les individus confrontés aux difficultés de leur époque. Or les « hommes ressemblent plus à leur temps qu’à leurs pères », rappelait Marc Bloch26.
De la République au génocide : la refondation socio-raciale de l’histoire
Le renversement de l’ancienne royauté au tournant de la décolonisation et le bouleversement social qui touche le pays, notamment ses élites, au début des années 1960, représentent une révolution, qui ouvre potentiellement le passage à un nouveau « régime d’historicité », à une posture « futuriste » : la mémoire collective peut dès lors s’accrocher à la commémoration du changement et à la célébration de héros libérateurs, fondant l’attente de nouveaux progrès27. Or, dans une large mesure, il n’en a rien été. La situation ancienne continue à être la référence de base pour justifier un changement qui se concentre essentiellement sur une permutation de l’équilibre des forces sociales, toujours décrites en termes raciaux.
La poursuite d’une historiographie socio-raciale
Avec la « révolution sociale » qui éclate à la fin de 1959 et qui conduit à la chute de la monarchie et à la proclamation de la république, au point d’être comparée à la Révolution de 1789, on pouvait s’attendre aussi à une nuit du 4 août idéologique et à une nouvelle historiographie débarrassée de l’obsession des hiérarchies héréditaires. Il n’en fut rien.
On a assisté au contraire à une reprise de la vulgate raciale présentant les couches « sociales » comme le produit d’une série d’invasions et la « démocratie » comme la revanche de la couche la plus nombreuse, mais aussi plus ancienne que celle des « féodaux » tutsi, à savoir celle du « peuple hutu » qualifié de rubanda rugufi, le « menu peuple », puis de rubanda nyamwinshi, le « peuple majoritaire ». Le modèle ethno-historique colonial était simplement inversé dans ses polarités positive et négative : les Tutsi, assimilés en bloc à l’élite dirigeante, devenaient une minorité d’envahisseurs étrangers, les Hutu étaient par définition les autochtones. « Le Ruanda est le pays des Bahutu (Bantu) et de tous ceux, blancs ou noirs, tutsi, européens ou d’autres provenances, qui se débarrasseront des visées féodo-colonialistes », proclame en mai 1960 le comité national du Parmehutu (le Parti du mouvement de l’émancipation des Bahutu créé par Grégoire Kayibanda), sinon les Tutsi sont invités à « retourner en Abyssinie28 ». Le « Manifeste des Bahutu », diffusé en mars 1957 par neuf intellectuels proches des missionnaires, et sous-titré « Note sur l’aspect social du problème racial indigène au Ruanda », prévoyait même l’intervention des médecins pour trancher sur les cas indécis liés à des « métissages29 » !
Ce mouvement social était donc à des années-lumière de la pensée de Marx, ce qui n’est pas étonnant dans le grand pensionnat catholique qu’était devenu le Rwanda. Et pourtant le projet révolutionnaire hutu s’est trouvé effectivement des cautions progressistes. Le constat apparemment sociologique d’une « prémisse d’inégalité » entre « les castes » hutu et tutsi, décrit dans le livre publié en 1954 par Jacques-J. Maquet30, un chercheur de l’Irsac, cité sans cesse à l’époque, ne pouvait que conforter la légitimité d’une subversion menée au nom de la masse hutu contre les dominants tutsi.
Une confusion extraordinaire marque pourtant les discours tenus sur la paysannerie au tournant de la décolonisation31. L’héritage colonial était celui du mépris pour le travail des agriculteurs africains, au Rwanda comme ailleurs. Depuis les années 1930, les hauts responsables du Ruanda-Urundi, connaisseurs de la région, ne font que déplorer « l’arriération de la civilisation matérielle » ou « l’incapacité d’innovation » des paysans de la région. Et soudainement, à la fin des années 1950, alors que le nationalisme commence à toucher les élites des deux pays, l’administration coloniale du Ruanda-Urundi ne jure plus que par la paysannerie hutu asservie aux féodaux tutsi, en oubliant au passage que la plupart des Tutsi étaient aussi des paysans32.
À vrai dire, les observateurs belges ne partagent pas tous cette schématisation sommaire. En 1960, par exemple, un économiste, Philippe Leurquin, publie une enquête minutieuse sur le niveau de vie des populations rurales33, d’où il ressort que la différence entre Hutu et Tutsi est peu significative à la campagne. Cette étude d’une société monétarisée, mais préindustrielle, ouvrait des perspectives d’histoire sociale quasi absentes dans le reste de la littérature.
Mais la politique de renversement des alliances, consistant à opposer une contre-élite hutu, sortie du séminaire et qualifiée de « rurale », à l’élite tutsi jusque-là privilégiée, put compter sur l’Église, cette fois sur sa frange « de gauche ». Dès la fin des années 1950, le christianisme social s’intéresse de plus en plus au « tiers-monde ». Cette notion, lancée par Alfred Sauvy en 1952, avait été confortée par la conférence des non-alignés à Bandoeng de 1955. La critique politique du « sous-développement » s’était forgée autour du cas sud-américain, mais l’Afrique ne pouvait manifestement pas échapper à cette grande prise de conscience du potentiel révolutionnaire des paysans, relayant celui des ouvriers européens au xixe siècle. Dans les années 1960, c’est dans cette direction que le christianisme social belge, porté notamment par les militants de la Jeunesse ouvrière chrétienne (Joc), envisage l’histoire à venir.
La « révolution hutu » sembla répondre à cet idéal généreux, qui, au Rwanda, se combina étonnamment avec la reprise benoîte d’un schéma racial hérité de la pensée coloniale la plus réactionnaire. On pouvait lire dans une revue chrétienne sociale belge en 195934 :
La distinction physique entre les races composant le Ruanda et l’Urundi est, en général, plus aisée à déterminer qu’au Congo […] les Hutu de race bantoue [se distinguant des] Twa pygmées à courtes jambes [et des] Tutsi aux longues jambes […] Les Hutu sont surtout cultivateurs ou ouvriers [alors que] les Tutsis constituent l’aristocratie du pays.
La conclusion reprenait la vulgate :
Toute l’histoire du pays est marquée par ces distinctions raciales […] Les Tutsi, pasteurs d’origine hamite, venant vraisemblablement de la Somalie, le long du Nil [sic], avec leurs troupeaux de vaches à longues cornes [et ayant créé] une féodalité tyrannique.
Cette synthèse socio-raciale, que la journaliste Marie-France Cros qualifiera plus tard de « racisme de bon aloi35 », bénéficie de l’appui durable des sympathisants catholiques de la République rwandaise, qui, en Europe, vulgarisent et cautionnent cette histoire officielle. Par exemple une revue missionnaire française qui s’adresse aux jeunes publie en 1987 ceci, sous le titre « La terre où Dieu se repose36 » :
Nomades voyageant avec leurs troupeaux, voici les Tutsis, venus d’Éthiopie. Ce sont des hommes de haute taille. Ils ont peuplé la région à partir du xvie siècle. Peu nombreux, ils réussirent malgré tout à devenir maîtres du pays. Les Hutus durent abandonner leurs royaumes et se soumettre à ces seigneurs redoutables, ne conservant que leur langue, qu’ils apprirent à leurs nouveaux chefs.
Cette imagerie « historique » trouve écho plus à gauche encore sur l’échiquier idéologique européen des années 1960 et 1970, par exemple dans des écrits inspirés par le maoïsme. Il faut se rappeler encore le contexte : la révolution chinoise apparaissait comme l’illustration d’un passage direct du « féodalisme » à une société moderne émancipée, sans passer par le stade du capitalisme bourgeois, comme un modèle d’une « révolution paysanne ». Même des milieux chrétiens sont sensibles à l’époque à cet exemple d’une « éducation de base » qui « part des masses pour retourner aux masses37 ». Les projections idéologiques sur la situation rwandaise ont donc été multiples, et chaque fois avec une égale ignorance de l’histoire concrète de ce pays.
Dans le Rwanda républicain, le combat du peuple hutu contre la féodalité tutsi est resté le thème fondamental des séances « d’animation » hebdomadaire et des grandes commémorations (notamment celles des événements de novembre 1959 et du référendum de septembre 1961, fondateur de la république). Chansons, chorégraphies « historiques », timbres38, y entretiennent le souvenir du passé sur le mode de la vindicte. Et surtout, à chaque crise interne, politique ou sociale, le régime réactive la peur et la haine des Tutsi, devenus les boucs émissaires attitrés, pour relancer une mobilisation hutu et neutraliser les oppositions internes, avec la certitude de bénéficier de la compréhension des partenaires occidentaux. On l’observe en 1963, en 1973, puis à partir de la fin des années 1980, avant même l’attaque du Fpr d’octobre 1990. En juillet 1972 par exemple, alors que le président Kayibanda se heurte à des difficultés qui vont déboucher un an plus tard sur le coup d’État de Juvénal Habyarimana, le parti Parmehutu diffuse une sorte de manuel d’histoire en kinyarwanda, « Les principales périodes de l’histoire du Rwanda », où on pouvait lire ces propos haineux sur les Tutsi, qui auraient conquis le pays vers 1700 et appris la langue de ses habitants pour mieux les tromper39 :
Le pouvoir [littéralement « tambour »] tutsi : c’est ce pouvoir qui fut à l’origine de tous les malheurs que les fils de Gahutu [c’est-à-dire les Hutu] ont connus. Il était comme le nid de la criminalité.
Comme les Hitlériens l’ont initié en Europe, les Batutsi ont aussi pensé qu’ils étaient une race supérieure aux autres sur toute la terre, créés pour commander et exploiter les Hutu sous le faux prétexte mensonger qu’ils seraient venus du ciel, en se disant eux-mêmes ibimanuka40 [les descendus].
Quelques mois après la diffusion de ce conte raciste à prétention historique et qui attribuait aux Rwandais tutsi l’idéologie qui avait été plaquée sur eux, une nouvelle vague de pogromes et d’expulsions s’abattait sur eux en février 1973.
On peut maintenant se demander où en était l’histoire dans le cadre académique de l’Université nationale du Rwanda entre 1962 et 1994. Une première génération d’historiens rwandais a émergé peu à peu, parallèlement à l’évolution générale des recherches sur le Rwanda. Par exemple les travaux de l’historienne américaine Catharine Newbury ont apporté dès les années 1970 un nouveau souffle à cette historiographie, à partir de l’étude d’une région périphérique, au sud-ouest du pays41. Le piétinement dans les récits d’origine était remplacé par une étude des processus sociaux et politiques dans un cas concret, les statuts de hutu et de tutsi n’apparaissaient plus comme immuables, des passerelles existant entre ces deux catégories. La société rwandaise était enfin désenchantée du racialisme ambiant, elle s’était construite au fil des siècles, parallèlement à la centralisation politique.
On retrouve cette ouverture sur une histoire sociale digne de ce nom, attentive aux réalités vécues et aussi à la différence des situations régionales, par exemple dans une thèse sur l’histoire de l’élevage soutenue à Paris 1 en 1986 par le regretté Jean-Népomucène Nkurikiyimfura42. Parmi ces universitaires novateurs, hutu ou tutsi, figurait aussi le regretté Emmanuel Ntezimana qui, en octobre 1986, dans une conférence de rentrée universitaire, eut le courage de souligner la complexité de l’histoire du « vieux peuple-nation » rwandais43 :
Dans quelles conditions et sous quelles formes tous les « aborigènes » sont-ils entrés en contact avec les différents « immigrants » ?… Se sont-ils insensiblement dissous parmi les « envahisseurs » ou auraient-ils des représentants parmi les populations actuelles, « reliques » transformées invariablement en « Abatwa », « Abatutsi », « Abahutu »?
Ces questions peuvent paraître superflues et nuageuses. On les pose pour montrer la délicatesse et la complexité du sujet, comme « matière d’histoire ». Je veux aussi réinsister sur l’absurdité de certains débats de la part de gens dits « lettrés », qui visent à réclamer ou à s’approprier exclusivement les civilisations et les héritages antérieurs… par exemple les « vaches », les « tambours », le « fer », le « feu »…
Ces questions iconoclastes ne furent publiées qu’en 1990. Dans ses cours, auxquels j’ai eu le plaisir d’assister au campus de Ruhengeri en mars-avril 1990, ce professeur exemplaire demandait à ses étudiants de « faire de l’histoire et pas de l’animation ». Mais, en même temps, l’ancien chroniqueur de la royauté, Alexis Kagame, était toujours au Rwanda, avec la bénédiction tacite des autorités. Cette étrange situation ne peut s’expliquer que par un calcul du pouvoir : l’abbé Kagame (jusqu’à sa mort en 1981) représentait à la fois une sorte de caution culturelle pour l’étranger et, à l’intérieur, un monument vivant de la pensée tutsi « traditionnelle » qui, en contrepoint, confortait l’imagerie dichotomique de la révolution hutu. Dans une synthèse publiée à Butare en 1972, ne développait-il pas des considérations sur les « sang-mêlé », intermédiaires entre les Bahutu et les Batutsi, de « type hamitique idéal » ! Sur le fond, l’historiographie raciale officielle se trouvait ainsi légitimée44.
La fascination de l’histoire dans la propagande du génocide
Au début des années 1990, les intégristes rwandais de l’idéologie des races ne s’y trompent pas. Leur organe phare, le bimensuel Kangura, s’en prend aux intellectuels qui osent contester le récit d’origine officiel45 :
Dans l’histoire (mateeka) du Rwanda, les premiers arrivants sont les Batwa (Pygmoïdes) qui se consacraient à la chasse et à la cueillette ; ensuite sont arrivés les Bahutu (Bantous) qui ont défriché la forêt pour y cultiver et qui ont établi une organisation sociale ; enfin sont venus les Batutsi (Nilotiques, Éthiopides) qui se consacraient à l’élevage. Pourquoi veut-on changer notre histoire ? Qui aurait le droit de changer l’histoire du pays ?
Dans cette presse extrémiste, puis, à partir de l’automne 1993, sur les ondes de la Radiotélévision libre des Mille collines (Rtlm), fondée par des proches du régime et notamment par des leaders du parti ultra-hutu Coalition pour la défense de la République (Cdr) créé en 1992, les références à l’histoire sont fréquentes. L’assimilation du mouvement hutu à la Révolution de 1789 revient à l’ordre du jour : « Cette guerre finale en cours est comparable à la Révolution française » explique un journaliste de la Rtlm en juin 1994. À la même époque, le 50e anniversaire du Débarquement en Normandie suscite aussi des comparaisons entre les « résistants » français et les miliciens interahamwe46. Malheureusement ces comparaisons populistes pouvaient trouver des échos en France47.
Mais la mobilisation autour des thèses du Hutu power, qui légitiment le génocide au titre d’une « autodéfense populaire », s’appuie surtout sur un retour à la révolution rwandaise de 1959-1961 et aux premiers massacres de « cancrelats » (inyenzi) en 1963-1964. Dès novembre 1991, Kangura publie en couverture le portrait de Grégoire Kayibanda, le fondateur de la République hutu, accolé à une machette, avec une légende en kinyarwanda disant :
Quelles armes pourrons-nous utiliser pour vaincre définitivement les cafards ? Et si on nous ramenait la révolution des Hutu de 1959 pour battre les cafards-tutsi48.
De fait, tout un vocabulaire déjà rodé dans les crises antérieures – la « colère populaire », les « cafards », le « travail » – est réactivé en 1994. Ce rappel du passé avait un sens précis sur l’échiquier politique rwandais des années 1990 : il s’agissait de disloquer l’opposition démocratique hutu, qui s’exprimait notamment dans le parti mdr (Mouvement démocratique républicain49), et d’assurer un rapprochement de ses militants avec ceux de l’ancien parti unique mrnd (Mouvement révolutionnaire national pour le développement) sur la ligne du Parmehutu des années 1960. Ce programme de front unitaire hutu, dit Hutu power, qui se concrétisa sur le terrain à la veille et au cours du génocide50, se ressourçait dans le souvenir de la politique de Kayibanda, moment fondateur de l’histoire du peuple hutu. Celui-ci était fondé sur une entente entre les intellectuels hutu du centre et du sud du pays, soucieux de rééquilibrage « social », et les grands notables hutu du Nord, qui cherchaient à reconstruire leur ancienne hégémonie locale51. Les Tutsi représentaient le bouc émissaire idéal de ce rapprochement entre des intérêts sensiblement différents.
L’arrivée au pouvoir de Habyarimana en 1973 avait représenté la revanche du Nord. La crise de son régime au début de 1990 suscita un retour au moment fondateur de la république hutu, c’est-à-dire à l’intégrisme « ethnique » et à ses justifications historiques bien rodées. La région du président Habyarimana était toujours décrite comme la quintessence du « peuple majoritaire » et l’illustration d’une culture rwandaise primordiale, inspiratrice d’un retour nécessaire à l’esprit de la « révolution sociale » de 1959, face aux « cafards », ces aristocrates allogènes qui avaient fui la démocratie et qui voulaient la détruire52.
On comprend dans ces conditions que toute critique du discours « historique » sur la dimension raciale des problèmes sociaux devait être étouffée. La grille de lecture dominante devait être celle d’un programme de « guerre finale » entre des ethnies antagonistes depuis des siècles. On comprend aussi pourquoi tant d’historiens rwandais, tutsi et hutu « mal pensants », ont disparu en 1994.
Les défis de l’après-génocide
Tout se passe comme si, depuis 1994, l’opinion publique rwandaise, traumatisée, se trouvait brutalement projetée dans le troisième « régime d’historicité », tel que défini par François Hartog, celui de la crise actuelle des grands « horizons d’attente », de la « dilatation du présent » et de l’éclatement des mémoires. Le défi du nouveau Rwanda s’exprime dans une interrogation anxieuse sur la possibilité de retrouver un fil conducteur permettant de mettre en perspective l’expérience extrême vécue il y a quinze ans.
Rupture ou continuité ? Entre la commémoration et la négation
La place du génocide dans l’histoire du Rwanda relève de deux lectures antagonistes. Pour les rescapés et leurs proches, il s’agit d’une rupture dramatique, insérée certes dans l’histoire d’un racisme, comme on l’a vu, mais poussée à un tel extrême que ce passage à vide ne peut qu’inciter à fonder un nouveau Rwanda, débarrassé de ses fantômes. L’année 1994 représente dès lors un tournant fondateur, le marqueur tragique d’une nouvelle indépendance, puisque les Rwandais ont dû trouver eux-mêmes la solution en l’absence de toute aide véritable de la communauté internationale. Le nationalisme exprimé de façon virulente par le régime établi par le Front patriotique rwandais en juillet 1994 repose d’abord sur cette expérience.
Une politique mémorielle a été développée sur cette base : sites et commémorations ont été pris en charge officiellement, non sans quiproquos : quel sort réserver aux Hutu également victimes des tueries racistes de 1994 au titre de « complices » ? Quelle place donner aux rescapés dans ces cérémonies et dans la société ? Et plus généralement que signifie la « réconciliation », également prônée en haut lieu parallèlement aux processus judiciaires ? Et aussi comment éviter, au nom de l’unité nationale, de parler des entités hutu et tutsi, qui ont été au cœur de la propagande du génocide ? Ce dernier a en effet donné cruellement corps au clivage racial forgé pour le légitimer. Le piège est existentiel. Où sont les « Rwandais » après cette tentative d’extermination ciblée d’une partie d’entre eux ? Même si la « race » est dans les yeux des tueurs et non sur le nez des victimes, comment les morts ainsi produits peuvent-ils aujourd’hui « parler » pour l’avenir53 ?
Mais d’autre part, le scepticisme ou la dénégation habitent toute une partie de la population rwandaise, qui rejette sur le Fpr la responsabilité de la crise et continue à penser les massacres en termes de réaction défensive. Sur les collines, la plupart des gens ne peuvent en fait ignorer ce qui s’est passé. Les témoignages hutu sur le génocide ont été nombreux, les représailles ou les menaces sur ces témoins également. Mais en milieu intellectuel et surtout dans la diaspora des exilés, où se confondent responsables et victimes de la situation, il est plus aisé de construire et de diffuser des justifications, qui situent 1994 dans une longue histoire de luttes des Hutu contre les Tutsi. Ce travail de négation est d’autant plus facile qu’il rencontre toujours la sympathie d’observateurs européens, attachés aux anciennes lectures du passé rwandais, conformes à un « africanisme » vulgarisé ou nostalgiques d’une coopération jugée « exemplaire », ou encore, en France, celle de groupes soucieux de défendre à tout prix les mérites de la politique de Paris au Rwanda entre 1990 et 199454.
Là encore, « l’histoire » est mise à contribution, sous forme de reprise de la vulgate socio-raciale. Cette littérature fleurit anonymement sur l’internet : les envahisseurs tutsi venus d’Éthiopie créer la féodalité au Rwanda, etc. En février 2009 (un exemple parmi des quantités), on pouvait lire sur le site Kongo Times, l’énoncé suivant55 :
Le conflit hutu-tutsi. Historique. Les événements que vit actuellement le Rwanda trouvent leur origine dans la stratification des classes sociales qui se sont confondues, sous la monarchie et la colonisation, avec les ethnies. Ainsi la classe dominante et régnante était faite de Tutsis, la classe ouvrière [sic] était celle des Hutus… taillables et corvéables à merci…
Même des auteurs occidentaux se permettent d’écrire sur le sujet des fictions ou des essais sur un style de safari intellectuel que l’on ne se permettrait pas sur d’autres parties du monde56. Celui qui est le plus entré dans le débat public français sur le Rwanda est le journaliste Pierre Péan pour son livre publié en 2005, où il développe le thème, fondamental à ses yeux, de « la culture du mensonge et de la dissimulation qui domine toutes les autres chez les Tutsis57 ». Or il s’appuie notamment sur les observations attribuées à un « agent territorial » belge, Paul Dresse, qui était en fait un aristocrate, poète et essayiste d’extrême droite, ami de Léon Daudet, et qui, après avoir effectué un seul et bref séjour au Rwanda, publia en 1940, dans une collection intitulée « Les petites études historiques », un récit de voyage au ton particulièrement raciste et aux relents antisémites58. Or l’éditeur de Péan défend son livre en tant que « relecture de l’histoire du drame rwandais59 ». Par-delà les interrogations d’ordre politique ou moral soulevées à ce sujet, il faut surtout s’étonner qu’une littérature aussi médiocre sur le plan méthodologique puisse entrer dans un débat « d’histoire » sur un pays d’Afrique. En paraphrasant le propos de Pline l’Ancien, Semper aliquid novi ex Africa, il faut bien constater qu’en France tout et n’importe quoi continuent à pouvoir être écrits sur ce continent.
L’effet est ravageur sur l’opinion des Rwandais, qui, devant tout le bruit ainsi créé, se disent que manifestement parler « d’histoire » sur leur pays ne peut mener qu’aux pires polémiques, celles dont les mots ont été associés à des morts.
La peur de l’histoire à Kigali
Le poids de l’idéologie de races qui a envahi l’historiographie rwandaise, sa mobilisation dans la propagande du génocide et les échos qu’elle continue à trouver dans l’opinion européenne expliquent sans doute la position des autorités de Kigali à propos de cette discipline : depuis 1994, l’enseignement de l’histoire du Rwanda a été gelé, en attendant de nouveaux programmes. En 1998 et 1999, les universitaires ont été sollicités, mais sans que cette démarche aille à terme. Les questions « chaudes » concernent l’histoire du peuplement et la constitution des « ethnies », mais aussi l’interprétation de la révolution de 195960.
Comme les mémoires sont à vif et que la conscience historique ne se met pas ainsi entre parenthèses, on peut dire que les anciennes dérives ont débouché sur une impasse. La phrase du philosophe américain Georges Santayana, sans cesse reprise, jusqu’à l’entrée du musée d’Auschwitz, « Ceux qui oublient le passé sont condamnés à le revivre61 », souligne les dangers de l’amnésie collective. Mais la crispation est liée ici au fait que le présent semble toujours poursuivi par le passé et en mal de se construire un avenir.
Au nom de « l’unité nationale » et alors que le passé récent est évidemment toujours vivace, les enseignants, privés de manuels, se sont trouvés en même temps confrontés à une législation qui impose une tolérance zéro à l’égard de « l’idéologie génocidaire ». Dans l’ambiance policière qui règne au Rwanda, la situation est souvent vécue par eux comme intenable62.
Cela étant, il a fallu vingt ans pour que la Shoah soit enseignée dans les écoles allemandes et il est demandé au Rwanda, où cohabitent les fils des bourreaux et les fils des victimes, de faire tout vite et bien. Une thèse récente, qui revient sur ce problème depuis l’indépendance, définit bien le défi pédagogique et social63 : rétablir le pont indispensable entre histoire enseignée et acquis scientifiques, mais aussi donner des repères de réconciliation, combinant les éléments d’unité du peuple rwandais et le respect de l’altérité des héritages et des mémoires.
Une issue nous est annoncée aujourd’hui. Depuis 2004, des groupes de travail ont été formés dans le cadre d’un Curriculum development centre mis en place par le ministère de l’Éducation avec des partenariats américains, notamment ceux d’un centre des Droits de l’homme de l’université de Berkeley et du programme de l’association Facing History and Ourselves de l’université de Boston. L’esprit en est celui de la pédagogie participative. Les exemples utilisés sont ceux de l’Allemagne post-nazie, de la Yougoslavie et de l’apartheid64. L’association est également présente en Afrique du Sud et en Ouganda.
Un avant-projet diffusé en 2006 nous donne une idée de la thématique retenue65. Le fait colonial ayant été pris comme le tournant crucial, la périodisation adoptée est finalement assez banale : Rwanda précolonial, période coloniale, Rwanda postcolonial jusqu’en 1990, temps présent 1990-1994. Cela semble répondre à une tendance forte de l’opinion des intellectuels qui consiste à imputer au système colonial la responsabilité essentielle dans la division de la société rwandaise66. Pour chacune des quatre périodes, un fait important a été choisi comme prioritaire : respectivement les clans, la réforme administrative belge de 1926, la ségrégation ethnique et régionale, l’idéologie génocidaire. Ce programme, marqué par le souci de la reconstruction nationale, vise manifestement à combattre l’a priori « ethnique » au détriment d’autres approches. La rigueur scientifique du texte, auquel ont contribué des spécialistes rwandais et américains, est indéniable, mais il faut attendre les manuels pour en apprécier les résultats.
*
En conclusion, il faudrait tracer des perspectives. La gestion du passé est confrontée aux contradictions habituelles entre mémoire et histoire, si bien analysée par Paul Ricœur. Mais le Rwanda est un pays pétri d’histoire, et notamment d’une histoire politique particulièrement présente, voire oppressante. Les mémoires y ont été façonnées de manière extrême par un référent idéologique autour duquel tous les débats tournent, par paresse intellectuelle ou, plus crûment, à cause des conséquences dramatiques de ce facteur. En parlant d’aventures dans notre titre, nous voulions souligner la gravité des dérives et des impasses où a conduit le rappel incessant de moments jugés fondateurs du passé par les maîtres à penser de la société rwandaise, sans parler de l’amateurisme de nombre d’auteurs étiquetés « historiens ».
Les « imaginaires sociaux » font partie du vécu67 mais, quand ils deviennent des sortes d’allégories érigées en acteurs de l’histoire, hors de portée humaine, la mystification s’installe. Peut-on envisager une histoire sociale digne de ce nom, traitant de la vie des gens qui ont, au fil des siècles, organisé physiquement et humainement un des espaces inscrits dans la région des Grands Lacs, avec des variations sensibles selon les lieux et bien sûr les époques ? Une histoire qui ne serait pas écrasée entre une obsession lancinante des « origines » et un discours journalistique sur l’immédiat. La perception et le fonctionnement des clivages dits identitaires en ressortiraient de façon à la fois plus relative et plus claire.
- *.
Historien, auteur notamment de l’Afrique des Grands Lacs. Deux mille ans d’histoire, Paris, Aubier, 2000, rééd. Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2003 et du Défi de l’ethnisme. Rwanda et Burundi, 1990-1996, Paris, Karthala, 1997. Voir aussi dans Esprit : « Le Rwanda piégé par son histoire », Esprit, août-septembre 2000 ; « Le nœud du génocide rwandais », Esprit, juillet 1999 ; « Rwanda et Burundi : la mémoire à vif », Esprit, juillet 1997 ; « Rwanda : mémoire ou négation d’un génocide ? », Esprit, mars-avril 1995.
- 1.
Voir la « querelle des historiens » (Historikerstreit) en Allemagne à la fin des années 1960.
- 2.
On trouve des échos de ce débat par exemple chez Tzvetan Todorov, « Dix ans sans Primo Levi », Esprit, février 1998, p. 125-138.
- 3.
Jean Hatzfeld, Une saison de machettes, Paris, Le Seuil, 2003, p. 127.
- 4.
J. Hatzfeld, Une saison de machettes, op. cit., p. 266 et 268.
- 5.
E. Mujawayo et S. Belhaddad, SurVivantes. Dix ans après le génocide, La Tour-d’Aigues, Éd. de l’Aube, 2004, p. 29 et 122.
- 6.
Voir I. Jacob (sous la dir. de), Dictionnaire rwandais-français, Kigali, Imprimerie scolaire, 1985, t. III, p. 307-308. Nous marquons d’un tiret, pour plus de clarté, la coupure entre le préfixe et le radical.
- 7.
Iteeka en kirundi signifie également « loi », mais aussi « privilège, honneur, bois sacré », en aucun cas « histoire ».
- 8.
François Hartog, Régimes d’historicité. Présentisme et expérience du temps, Paris, Le Seuil, 2003.
- 9.
Jan Vansina, l’Évolution du royaume rwanda, des origines à 1900, Bruxelles, Arsom, 1962, p. 5.
- 10.
Par exemple le vieux Hutu Sekarama, interrogé par le missionnaire allemand Peter Schumacher entre 1928 et 1933, était un ancien chroniqueur réputé de la Cour royale (voir P. Schumacher, Ruanda, manuscrit édité en microfilm par la revue Anthropos, 1958, p. 141-142).
- 11.
J. Vansina, De la tradition orale. Essai de méthode historique, Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale, 1961 ; Oral tradition as history, Madison, University of Wisconsin, 1985 (rééd. Londres et Nairobi, J. Currey/East African educational publishers, 1992). On pourrait citer aussi C.-H. Perrot et al., Sources orales de l’histoire de l’Afrique, Paris, Éd. du cnrs, 1989 (rééd. 1993). Voir Jean-Pierre Chrétien, « Pour une historiographie des traditions orales : la fin d’une époque dans la région des Grands Lacs ? », dans M. Chastanet et J.-P. Chrétien (sous la dir. de), Entre la parole et l’écrit. Contributions à l’histoire de l’Afrique en hommage à Claude-Hélène Perrot, Paris, Karthala, 2008, p. 25-42.
- 12.
Le Burundi par exemple offre un spectacle beaucoup plus éclaté, que Jan Vansina a aussi mis en valeur dans un recueil intitulé significativement la Légende du passé. Traditions orales du Burundi, Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale, 1972.
- 13.
André Coupez et Thomas Kamanzi, Récits historiques rwanda, Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale, 1962.
- 14.
P. Smith, « La forge de l’intelligence », L’Homme, 1970, 2, p. 5-21. On notera à ce propos que, en dépit de la propagande raciste qui a accompagné le génocide des Tutsi et gagné même des écrits français, le mot kinyarwanda ubwenge désigne essentiellement l’intelligence, la finesse, l’habileté, et non la « fourberie ». D’autres vocables existent dans cette langue pour désigner le mensonge.
- 15.
Pluriel de ubwoko, terme transposé sur les papiers d’identité pour désigner les « ethnies » à partir des années 1930.
- 16.
Sur ces aspects voir aussi C. Vidal, « Enquêtes sur l’histoire et sur l’au-delà. Rwanda, 1800-1970 », L’Homme, 1984, 3-4, notamment p. 63-67.
- 17.
Voir J.-P. Chrétien, « Hutu et Tutsi au Rwanda et au Burundi », dans J. L. Amselle et E. M’Bokolo (sous la dir. de), Au cœur de l’ethnie, Paris, La Découverte, 1985 (rééd. 1999), p. 129-165.
- 18.
Voir P. Rutayisire, la Christianisation du Rwanda (1900-1945). Méthode missionnaire et politique selon Mgr Léon Classe, Fribourg, Éditions universitaires, 1987.
- 19.
Citations tirées des périodiques Grands Lacs, mars 1935, et L’Essor maritime et colonial, décembre 1930.
- 20.
Léon Delmas, les Généalogies de la noblesse (Batutsi) du Ruanda, Kabgayi, Vicariat apostolique du Ruanda, 1950.
- 21.
Alexis Kagame, Inganji Karinga, Kabgayi, Vicariat apostolique du Ruanda, 1943-1947, 2 vol., 2e éd., 1959.
- 22.
Otto Forst de Battaglia, Traité de généalogie, Lausanne, Spes, 1949 (trad. fr. abrégée d’une édition allemande). Voir la critique précise de la chronologie de Kagame par Jean-Népomucène Nkurikiyimfura, « La révision d’une chronologie : le cas du royaume du Rwanda », dans C.-H. Perrot et al., Sources orales de l’histoire de l’Afrique, op. cit., p. 149-180.
- 23.
Voir J.-P. Chrétien, « Mythes et stratégies autour des origines du Rwanda (xixe-xxe siècles) : Kigwa et Gihanga, entre le ciel, les collines et l’Éthiopie », dans J.-P. Chrétien et J.-L. Triaud (sous la dir. de), Histoire d’Afrique. Les enjeux de mémoire, Paris, Karthala, 1999, p. 281-319.
- 24.
Voir D. Franche, « Généalogie du génocide rwandais. Hutu et Tutsi : Gaulois et Francs ? », Temps modernes, mai-juin 1995, p. 1-58.
- 25.
Louis de Lacger, Ruanda, Kabgayi, Vicariat apostolique du Ruanda, 1939-1940, 2e éd., 1961, p. 56. Il pouvait s’appuyer sur un prédécesseur : A. Pagès, Au Ruanda… Un royaume hamite au centre de l’Afrique, Bruxelles, Ircb, 1933.
- 26.
Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, Paris, Armand Colin, rééd. 1974, p. 41.
- 27.
Voir F. Hartog, Régimes d’historicité…, op. cit. et J.-P. Chrétien et J.-L. Triaud (sous la dir. de), Histoire d’Afrique. Les enjeux de mémoire, Paris, Karthala, 1999, notamment la conclusion.
- 28.
F. Nkundabagenzi, Rwanda politique. 1958-1960, Bruxelles, Crisp, 1962, p. 252.
- 29.
F. Nkundabagenzi, Rwanda politique…, op. cit., p. 23.
- 30.
Jacques-J. Maquet, le Système des relations sociales dans le Ruanda ancien, Tervuren, Musée royal de l’Afrique centrale, 1954. Cette étude portait sur la situation vers 1950, méconnaissant le demi-siècle de gestion coloniale et son a priori raciste, comme s’il s’agissait d’un Rwanda éternel.
- 31.
À ce sujet, voir J.-P. Chrétien, « La paysannerie captive de modèles totalitaires en Afrique centrale au xxe siècle. Le travail de Sisyphe de la critique historique », dans I. Ndaywel e Nziem et E. Mudimbe-Boyi (sous la dir. de), Images, mémoires et savoirs. Une histoire en partage avec Bogumil Koss Jewsiewicki, Paris, Karthala, 2009, p. 385-402.
- 32.
Voir P. Ryckmans, Dominer pour servir, Bruxelles, Albert Dewit, 1931, p. 29 ; J.-P. Harroy, Rwanda. De la féodalité à la démocratie, 1955-1962, Bruxelles, Hayez-Arsom, 1984, p. 142.
- 33.
Philippe Leurquin, le Niveau de vie des populations rurales du Ruanda-Urundi, Louvain, Nauwelaerts, 1960.
- 34.
L. Bragard, « Vers l’indépendance du Ruanda-Urundi. Les problèmes essentiels », Dossiers de l’action sociale catholique, octobre 1959, p. 643-676.
- 35.
Marie-France Cros, La Libre Belgique, 1er juin 1994.
- 36.
Terres lointaines. Revue missionnaire des jeunes, novembre 1987, p. 10.
- 37.
Voir J.-P. Chrétien, « La paysannerie captive de modèles totalitaires en Afrique centrale au xxe siècle… », art. cité, p. 393-398.
- 38.
Par exemple un timbre consacré au « 10e anniversaire de la révolution. 1959-1969 », œuvre d’Antoine Nyetera, où l’on voit un homme brandissant une houe et piétinant une parure royale et un tambour. Ce dessinateur, installé aujourd’hui en Belgique, se présente comme tutsi d’origine princière, mais justifie toujours, au nom des leçons de « l’histoire » qu’un « œil vigilant » ait été gardé sur les Tutsi, « car en effet, comme l’a si bien dit Mao-Tse-Tung, la révolution ne se prépare pas comme un banquet. Une fois qu’elle commence, elle se poursuit jusqu’à son achèvement – quand elle aura atteint son objectif. C’eût été un manque d’objectivité de permettre aux Tutsi de reprendre le pouvoir qu’ils avaient monopolisé depuis plus de trois siècles » (conférence tenue au Parlement européen le 27 novembre 1998).
- 39.
Ingingo z’ingenzi mu mateka y’u Rwanda, Kigali, Bureau d’information de la présidence de la République (dixième anniversaire de l’Indépendance), s. d. [1972], p. 3 et 10.
- 40.
Allusion au mythe de Kigwa, évoqué plus haut.
- 41.
Catharine Newbury, The Cohesion of Oppression. Clientship and Ethnicity in Rwanda, 1860-1960, New York, Columbia University Press, 1988. L’ouvrage est tiré d’une thèse soutenue en 1975 et avait été précédé d’articles méthodologiques comme : « Deux lignages au Kinyaga », Cahiers d’études africaines, 1974, 1, p. 26-38.
- 42.
Jean-Népomucène Nkurikiyimfura, le Gros bétail et la société rwandaise. Évolution historique : des xiie-xive siècles à 1958, Paris, L’Harmattan, 1994. Il a été massacré à Butare avec toute sa famille lors du génocide.
- 43.
Emmanuel Ntezimana, « Histoire, culture et conscience nationale : le cas du Rwanda des origines à 1900 », Études rwandaises, 1987 [antidaté], 4, p. 462-497.
- 44.
A. Kagame, Un abrégé de l’ethno-histoire du Rwanda, Butare, Éditions universitaires du Rwanda, 1972, p. 21.
- 45.
Kangura, novembre 1990, no 4, p. 21 (extrait traduit du kinyarwanda).
- 46.
Kantano Habimana, Rtlm, 17 juin 1994 ; Gaspard Gahigi, Rtlm, 3 juin 1994 (voir J.-P. Chrétien et al., Rwanda. Les médias du génocide, Paris, Karthala, 1995, p. 330-333).
- 47.
Voir J. Lacouture, Mitterrand, Paris, Le Seuil, 1998, vol. 2, p. 462-463.
- 48.
Kangura, novembre 1991, no 26 (la couverture et p. 114).
- 49.
Voir J. Bertrand, Rwanda. Le piège de l’histoire. L’opposition démocratique avant le génocide (1990-1994), Paris, Karthala, 2000.
- 50.
Voir J.-P. Kimonyo, Rwanda. Un génocide populaire, Paris, Karthala, 2008.
- 51.
Voir L. Saur, « La frontière ethnique comme outil de conquête du pouvoir : le cas du Parmehutu », contribution au colloque du Cemaf « Mobilités, traces et frontières dans l’Afrique des Grands Lacs », Paris, 20 octobre 2007.
- 52.
Cela apparaît bien dans des interviews des deux promoteurs de la Rtlm, Jean-Bosco Barayagwiza, un des fondateurs du parti Cdr, et l’historien Ferdinand Nahimana (Rtlm, décembre 1993 et mars 1994) et aussi en conclusion de la thèse de ce dernier sur les anciens petits royaumes du nord-ouest du pays, soutenue en 1986 à Paris 7, dans la version publiée : F. Nahimana, le Rwanda. Émergence d’un État, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 315-318.
- 53.
Sur ces aspects, voir la remarquable analyse de Valérie Rosoux, « La gestion du passé au Rwanda : ambivalence et poids du silence », Genèses, 2005, no 61, p. 28-46.
- 54.
J.-P. Chrétien, « France et Rwanda : le cercle vicieux », Politique africaine, mars 2009, no 113, p. 121-137.
- 55.
http://afrique.kongotimes.info, 15 février 2009, sous un titre marquant l’intention négationniste : « Rwanda. Voici les preuves de la planification du génocide des Hutus par le Fpr de Paul Kagamé. »
- 56.
Dans le genre romanesque, le récent titre de Patrick Besson, Mais le fleuve tuera l’homme blanc, Paris, Fayard, 2009, où l’on retrouve tous les fantasmes du roman colonial.
- 57.
Pierre Péan, Noires fureurs, blancs menteurs. Rwanda 1990-1994, Paris, Fayard, 2005, p. 41 sqq.
- 58.
Paul Dresse, le Ruanda d’aujourd’hui, Bruxelles, Éd. Charles Dessart, 1940.
- 59.
« Vérités interdites sur le drame rwandais », 2 octobre 2007, http://www.fayard.fr/Fayard/CtlPrincipal.
- 60.
Voir Pascal Bianchini, Une tâche problématique : enseigner l’histoire au Rwanda après le génocide, Paris 7, publication du Sedet, sous presse.
- 61.
Sentence tirée de The Life of Reason, New York, Scribner’s, 1905.
- 62.
Voir J. Ruremesha, « Rwanda, dix ans après : le génocide absent des écoles » et M. Bineta, « La lutte contre l’idéologie génocidaire paralyse les enseignants », http://www.syfiagrands-lacs.info, 6 avril 2004 et 27 mars 2008.
- 63.
J. D. Gasanabo, Mémoires et histoire scolaire, le cas du Rwanda, thèse, université de Genève, 2004.
- 64.
Voir G. Weldon, “Rwanda report”, http://curriculum.pgwc.gov.za, juillet 2006 et J.Rutayisire et al., “Redefining Rwanda’s Future: The Role of Curriculum in Social Reconstruction”, dans T. Sobhi et A. Harley (eds), Education, Conflict and Social Cohesion, Genève, Bureau international de l’éducation, p. 315-373.
- 65.
S. W. Freedman et al., « L’enseignement de l’histoire du Rwanda. Approche participative. Pour les écoles secondaires du Rwanda. Ouvrage de référence pour l’enseignant », hrc.berkeley.edu/pdfs/Rwanda-Curriculum-French1
- 66.
D’après une enquête très intéressante menée en 2009 auprès des étudiants de Kigali par P. Bianchini, Une tâche problématique…, op. cit.
- 67.
G. Duby, les Trois ordres ou l’imaginaire du féodalisme, Paris, Gallimard, 1978 ; C. Castoriadis, l’Institution imaginaire de la société, Paris, Le Seuil, 1975.