
Le légalisme de la société biélorusse
Malgré la violence de la répression, la mobilisation de la société biélorusse contre le régime de Loukachenko ne faiblit pas. Les manifestants jouent de tout le répertoire des actions de protestation non-violente, et s'ingénient à rester dans le cadre institutionnel que le dictateur, lui, ne cesse d'enfreindre.
Alexandre Loukachenko a envisagé son sixième mandat présidentiel le 9 août comme il a appréhendé les précédents depuis 1994 : en se reconduisant dans ses fonctions, à la suite de fraudes massives orchestrées par son administration électorale, secondée par des organes régaliens aux ordres1. Mais cette fois, l’autocrate n’a pas mesuré l’usure de son pouvoir, notamment au sein de la génération arrivant à l’âge adulte sans jamais avoir connu d’autre président. Svetlana Tikhanovskaïa, enseignante et épouse d’un blogueur populaire, initialement candidat mais emprisonné, est devenue la candidate du changement, en s’alliant à deux autres femmes représentant deux autres candidats populaires, eux aussi invalidés (un ex-diplomate et un banquier). Les trois femmes ont attiré les foules à leurs meetings dès juillet. Dans les bureaux de vote où la pression citoyenne a été suffisante pour obtenir un décompte de voix transparent, Tikhanovskaïa a obtenu entre 70 et 90 % des suffrages exprimés. Les chiffres officiels, annonçant la large victoire de Loukachenko sans traçabilité par bureau de vote, sont montés de toutes pièces.
Depuis le 9 août, les Biélorusses prennent la rue pour dénoncer le « vol des voix du peuple ». Le régime répond avec une rare brutalité : en une semaine, plus de 10 000 personnes sont arrêtées et exposées à des sévices en détention ; des manifestants sont visés par des tirs à balles réelles ; on