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Aliaksandr Yarashuk, président du Congrès biélorusse des syndicats démocratiques, en 2015 (photo Alexandr Podgorchuk)
Aliaksandr Yarashuk, président du Congrès biélorusse des syndicats démocratiques, en 2015 (photo Alexandr Podgorchuk)
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Biélorussie : vague de répression contre les syndicalistes indépendants

Luca Visentini, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats, estime que « ces arrestations, les plus récentes d’une longue série d’attaques contre les syndicats en Biélorussie, semblent être une punition pour avoir critiqué le président biélorusse d’avoir facilité l’assaut militaire de Poutine contre l’Ukraine ».

Luca Visentini, secrétaire général de la Confédération européenne des syndicats (CES) et Sharan Burrow, secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale (CSI), viennent d’adresser, le 21 avril 2022, une alerte à Josep Borrell, Haut-Représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, concernant l’arrestation de syndicalistes indépendants en Biélorussie. En effet, le 19 avril 2022, ont été arrêtés les dirigeants du Congrès biélorusse des syndicats démocratiques (BKDP) – son président, Aliaksandr Yarashuk, et son vice-président, Siarhei Antusevich, ainsi que les présidents du Syndicat libre des travailleurs du métal (SPM), Aliaksandr Bukhvostau, et du Syndicat libre de Biélorussie (SPB), Mikalaj Sharakh. Aliaksandr Bukhvostau, âgé de 80 ans, est actuellement hospitalisé suite à une crise cardiaque.

Un certain nombre d’autres syndicalistes indépendants ont également été arrêtés, parmi lesquels figurent Yana Malash, Vitali Chychmarou, Hanna Dus, Vadzim Payvin, Mikhail Hromau, Ihar Komlik (libéré depuis), Yury Beliakou, Vasil Berasneu, Hennadz Fiadynich, Dzmitry Barodka, Miraslau Sabchuk, Iryna Bud-Husaim et Alena Yeskova (depuis libérée). En outre, le secrétaire international du BKDP, Aleh Padalinski, ne répond plus à son téléphone portable et plusieurs autres militants sont toujours injoignables sans qu’on ait pu les localiser. La secrétaire internationale du syndicat indépendant biélorusse (BNP), Elizavetta Merlyak, a été arrêtée au soir du 21 avril 2022.

Selon le journal d’opposition, Solidarnasts, cette vague d’arrestation concerne plus de quatre-vingt-dix militants syndicaux. Après avoir été interrogés, ces responsables ont été internés au centre de détention provisoire du Comité de sécurité de l’État.

Les locaux syndicaux du BKDP ont été fouillés à Minsk. Par ailleurs, les locaux du Syndicat libre de Biélorussie (SPB), du Syndicat libre des travailleurs de la métallurgie (SPM) et du Syndicat des travailleurs de la radio et de l’électronique (REP) auraient également été perquisitionnés. Les forces de sécurité auraient également procédé à des perquisitions aux domiciles des dirigeants et de certains employés de ces syndicats à Minsk et à Polotsk. Dans le cadre de ces perquisitions, auraient été saisis des ordinateurs personnels, des clefs USB, des documents personnels, des passeports et des cartes bancaires, y compris ceux des membres de la famille, des cartes SIM d’opérateurs mobiles étrangers et ainsi que des matériels et documents syndicaux.

Cette vague de répression n’est probablement pas étrangère à un appel du BKDP, le 30 mars 2022, dans lequel Aliaksandr Yarashuk dénonce le conflit russo-ukrainien et appelle les collectifs de travail du pays à refuser l’implication de la Biélorussie : « La guerre de la Russie en Ukraine n’est pas notre guerre. Non à la guerre, non à la participation de la Biélorussie à celle-ci ! Exigez l’interdiction d’envoyer des troupes biélorusses en Ukraine, exigez le retrait des troupes russes de notre pays ! » Signalons également que parmi les personnes arrêtées figurent des représentants syndicaux ayant témoigné devant l’Organisation internationale du travail (OIT) sur la situation de militants des syndicats indépendants en Biélorussie.

Déjà, les 23 et 24 mars 2022, plusieurs militants du Syndicat indépendant biélorusse (BITU) de la compagnie pétrolière Naftan étaient arrêtés à Navapolatsk : Sergei Lapunov, délégué syndical adjoint, Andrei Shkirenko, vice-président du syndicat local, ainsi que Alexander Kapshul, avocat et militant, tous syndiqués au BITU. Leur domicile perquisitionné, ils ont été condamnés tous les trois à quinze jours d’arrêt administratif pour piquet de grève non autorisé. À Jlobine, Hanna Kalupakho, militante du BITU, a été arrêtée et condamnée à dix jours d’arrêt administratif pour un message vidéo considéré par le tribunal comme relevant d’une manifestation non autorisée. Le 31 mars 2022, le conseil d’administration de l’OIT approuvait le rapport du Comité sur la liberté syndicale et ses recommandations au gouvernement biélorusse, l’exhortant à prendre des mesures pour « libérer tous les syndicalistes en détention et abandonner toutes les charges liées à leur participation à des manifestations pacifiques et à des arrêts de travail ».

Informant l’OIT de cette actualité répressive, la CSI et la CSE appellent toutes leurs organisations syndicales affiliées à s’engager auprès des gouvernements de leurs pays afin d’obtenir la libération de ces collègues syndicalistes. Le secrétaire général de la CES, Luca Visentini, estime que « ces arrestations, les plus récentes d’une longue série d’attaques contre les syndicats en Biélorussie, semblent être une punition pour avoir critiqué le président biélorusse d’avoir facilité l’assaut militaire de Poutine contre l’Ukraine ». Le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, a renchéri en tant que président de la CES : « Nous exprimons toute notre solidarité et nous exigeons leur libération, ainsi que celle de tous les prisonniers d’opinion politique dans le pays. » La CSI et la CES appellent de concert au respect des conventions internationales, notamment celles promulguées par l’OIT.

Faut-il rappeler que la Biélorussie est classée 158e sur 180 dans le monde pour la liberté de la presse par Reporters sans frontières ? Le bilan dressé par cette ONG, dans son rapport de novembre 2020, était déjà alarmant pour les libertés professionnelles dans le secteur des médias : selon l’Association biélorusse des journalistes (BAJ), trois cent trente-cinq interpellations de journaliste avaient été recensées en trois mois et au moins soixante journalistes avaient été victimes de violences graves, de mauvais traitements, voire de tortures.

Les cheminots biélorusses payent également leur tribut : quarante d’entre eux ont été arrêtés le 31 mars 2022, notamment des conducteurs de train et des machinistes au dépôt ferroviaire de Gomel, nœud de ravitaillement de l’armée russe, parce qu’ils sont soupçonnés d’actes terroristes ou d’appartenance à une organisation extrémiste, encourant ainsi jusqu’à quinze années de prison.

Le 9 mars 2022, l’Union européenne avait renforcé une fois encore son dispositif de sanctions contre la Biélorussie, en raison du rôle joué par son gouvernement dans l’agression militaire conduite par la Russie envers l’Ukraine depuis le 24 février. Ces « mesures restrictives », complétant celles adoptées le 27 février 2022, visaient notamment le secteur financier : les trois banques biélorusses, Belagroprombank, Bank Dabrabyt et Development Bank of the Republic of Belarus, ainsi que leurs filiales sont exclues du système interbancaire SWIFT ; les transactions financières entre l’UE et la Biélorussie sont restreintes ; les dépôts de citoyens ou résidents biélorusses sont interdits s’ils sont supérieurs à 100 000 €. Cependant, le poids de ces sanctions économiques demeure limité, car l’économie biélorusse est fortement dépendante de ses échanges avec la Russie qui représente 55 % de ses importations et 48 % de ses exportations.

Selon les agences de presse russes Interfax et Ria Novosti, le président Loukachenko a promulgué, le 18 mai 2022, une loi ouvrant la voie à une extension de la peine de mort pour « tentative d’acte de terrorisme », un chef d’accusation utilisé par le parquet biélorusse à l’encontre des opposants les plus gênants. Ainsi, selon l’agence de presse officielle biélorusse Belta, Svetlana Tikhanovskaïa ferait l’objet d’une enquête pour « préparation d’acte de terrorisme en bande organisée ». La Biélorussie demeure le seul pays en Europe à appliquer la peine de mort avec vingt et une exécutions officielles depuis 2008.