
Le fédéralisme américain ou la souveraineté divisée
Aux États-Unis, le fédéralisme est de nouveau l’objet de discussions très vives, qui reflètent de profondes divisions idéologiques au sujet de la crise sanitaire, du droit à l’avortement ou du système électoral.
La thèse que les États-Unis vivent une sorte de « guerre civile froide » est de plus en plus répandue. Elle s’appuie sur les clivages idéologiques, culturels, raciaux et géographiques qui seraient la cause profonde de la polarisation politique qui afflige le pays depuis plusieurs décennies. Mais ces divisions s’ancrent aussi dans une doctrine profondément inscrite dans les institutions américaines : celle du fédéralisme, qui répartit l’autorité politique entre le pouvoir fédéral et cinquante États fédérés. Le fédéralisme est l’un des thèmes du clivage politique actuel – les Démocrates favorisant généralement l’État fédéral, tandis que les Républicains privilégient l’autonomie des États – mais il est aussi l’un des instruments des affrontements en cours. À travers le fédéralisme, qui donne aux uns la possibilité de limiter ou d’entraver le programme des autres, la souveraineté – la question : « Qui décide ? » – a cessé d’être le cadre général des débats politiques pour en devenir un enjeu essentiel.
Selon l’un de ses principaux historiens, le fédéralisme pose que « de multiples niveaux indépendants de gouvernement peuvent légitimement exister au sein d’un même régime politique, et que cet arrangement n’est pas un défaut à déplorer mais une vertu à célébrer1 ». Si beaucoup de pays ont des systèmes fédéraux, les États-Unis sont sans doute le pays le plus enclin à voir comme u