
Quel espace commun dans la ville qui vient ?
La généalogie de la ville par Marcel Hénaff souligne ses dimensions d’ensemble monumental, de dispositif technique et de réseaux. Le triomphe contemporain de ces derniers signe la mort de la ville-monde au profit de la ville mondialisée. Quels espaces communs peuvent alors subsister ? Hénaff en appelle à la rue des pays non européens.
À Jean-Joinville Vacher, homme des villes, arpenteur de Mexico, de Lima et de La Paz
« La ville se situe au confluent de la nature et de l’artifice. […] Elle est à la fois objet de nature et sujet de culture ; individu et groupe, vécue et rêvée ; la chose humaine par excellence. »
L’une des dernières rencontres avec l’ami Marcel Hénaff eut lieu à Mexico il y a quatre ans. Il était difficile, alors que nous passions d’un quartier à l’autre de cette ville de haute montagne dont les immenses parcs de verdure cohabitent avec la pollution et la misère, de ne pas sentir le plaisir qu’il éprouvait à sillonner les espaces urbains contrastés de cette mégapole. Comment s’en étonner de la part de ce voyageur impénitent, de ce Haut-Savoyard passionné par les territoires les plus contrastés, restes archéologiques ou skyscrapers, espaces verts ou lieux assommés par la violence, lui qui a vécu entre autres à Abidjan, Copenhague, Kyoto et San Diego ?
C’est pourquoi il est surprenant de voir combien ses écrits sur la ville sont souvent méconnus, du moins si on compare leur réception à l’accueil reçu par Le Prix de la vérité ou par son ouvrage sur Le Don des philosophes1. Cela l’est d’autant plus que ses textes sur les thèmes de l’urbain et de l’espace public ne sont pas à la marge des réflexions anthropologiques qui sont l’horizon constant de son travail2, comme en témoignent son interprétation originale de l’œuvre de Claude Lévi-Strauss3 et ses réflexions sur l’échange, la réciprocité et le don cérémoniel en tant que ressorts d’une politique de la reconnaissance4. Ces quelques pages, destinées à raviver la présence d’un ami, ont pour but de faire partager, en ces temps de confinement et de déconfinement du printemps 2020 qui affectent corporellement notre relation à l’espace proche et lointain, les éclairages d’une interrogation sur l’espace urbain mondialisé. Pour Hénaff, celui-ci n’est peut-être pas en mal d’urbanité, mais un « mi-lieu » où réinventer de l’espace commun, ce pourquoi il est aussi le « lieu du penseur » depuis Socrate.
Les trois dimensions de la ville
En Europe, le débat porte depuis les années 1980 sur la permanence même de la notion de « ville » comme espace autonome. Françoise Choay parle ainsi de la « non-ville » pour signifier que la planète entière vit désormais à l’heure d’une urbanisation généralisée, qui va de pair avec un recul des valeurs urbaines qui ont symbolisé la ville européenne5. Pour sa part, Marcel Hénaff ne renonce pas au terme de « ville » : il en met en scène la généalogie, pour comprendre où va « la ville qui vient ». Celle-ci ne sera plus la ville d’hier, qui s’est épuisée sous le poids de son patrimoine et d’un « surtourisme » aux conséquences dramatiques à Venise, Barcelone ou Paris. D’où son accord avec le constat objectif d’une mondialisation urbaine d’une extrême rapidité sur le plan démographique ; et fort contrastée si on compare le développement séculaire de la ville européenne à celui des mégapoles chinoises ou indiennes aujourd’hui. Reconnaissant que la ville d’hier est finie et la ville de demain incertaine, indéterminée, il ne pense pas que la mondialisation contemporaine soit réductible, comme voudrait le faire croire Donald Trump par exemple, au seul phénomène économique du marché. Elle est en effet portée par des flux multiples (marchandises, finances, idéologies, images, réseaux immatériels et immatériels, tourisme, transports, migrations), comme le montre bien Arjun Appadurai dans sa Géographie de la colère6.
Bref, comprendre « le mauvais état » des villes contemporaines, celui d’une « urbanisation sans urbanité7 », exige, selon Hénaff, de comprendre « d’où elle vient ». Pour saisir les effets de l’urbanisation contemporaine en termes de vitesse et de démographie, il faut passer par une anthropologie prêtant la plus grande attention aux apports de l’archéologie, de l’histoire et de la géographie. Cette anthropologie de la ville – qui ne cherche jamais à égarer le lecteur sous couvert d’érudition – séduit d’abord par une mise en scène conceptuelle rigoureuse, développant les deux « enquêtes » qui rythment La Ville qui vient. La première met en avant les trois dimensions de la ville considérée comme un monde à part entière, et la seconde se polarise sur le devenir de l’espace public.
La ville entendue d’emblée comme monde, comme microcosme, est en effet indissociable depuis ses origines de trois dimensions : le monument, la machine et le réseau. D’entrée de jeu, Hénaff se focalise sur l’entrelacement de ces trois dimensions structurelles : « Le modèle de la ville comme monde a été conçu, depuis ses diverses origines en de nombreuses cultures, comme monument : comme un vaste ensemble bâti, ou, plus encore, comme une totalité architecturale se voulant image du cosmos ; or cela suppose que cet ensemble original soit conçu non seulement comme monument mais aussi comme machine (qui produit, gère, organise, transforme) et finalement comme réseau avec ses axes de voirie, ses dispositifs de circulation des personnes, ses moyens de transport de matériaux ou de flux d’énergie ; ses lieux d’échange de messages et de biens8. » Les deux autres dimensions, la machine et le réseau, aujourd’hui prépondérantes, ne sont pas des inventions récentes venues s’ajouter au monument, elles existent depuis l’apparition des villes et participent de l’imaginaire de la ville comme monde.
Cette approche tridimensionnelle se démarque d’une histoire de l’architecture valorisant la construction et le monument, mais aussi d’une histoire de la ville (on ne parle d’urbanisme qu’à l’époque industrielle) comme celle de Lewis Mumford, qui se focalise sur la technique (et donc sur la machine) comme un facteur venu de l’extérieur perturber la ville-monument9; elle se distancie également de l’approche récente qui met en avant la révolution numérique, indissociable des « nouvelles technologies de l’information et de la communication ». Qualifiée de postindustrielle, celle-ci réorganise le rapport à l’espace et au temps sur le double plan matériel et immatériel du réel et du virtuel (selon le langage convenu).
Les deux décrochages historiques
Si la généalogie de la ville est inséparable de ce triptyque en évolution permanente, elle invite cependant à tenir compte de deux décrochages historiques (celui de la révolution industrielle liée à la puissance de la machine, et celui de la révolution numérique qui accompagne le développement exponentiel du réseau matériel et immatériel). Or ce double décrochage historique, qui n’est pas sans affecter les rapports entre les trois dimensions, contribue à métamorphoser l’imaginaire de la ville conçue comme ville-monde.
En effet, ces deux décrochages historiques affaiblissent ou renforcent, valorisent ou dévalorisent au fil du temps l’une ou l’autre des trois dimensions. Tout d’abord, la ville-monument qui apparaît dans les terres désertiques du Croissant fertile se perpétue sous la forme de la ville classique jusqu’à la Renaissance (celle-ci étant marquée par des traités d’architecture et des utopies10) avant d’être déstabilisée dans un premier temps par la révolution industrielle, qui impose la suprématie de la machine dès le xviiie siècle. Dans un deuxième temps, la ville-machine est elle-même perturbée par la ville-réseau qui prend son essor après la Seconde Guerre mondiale avec la révolution numérique11. Au fil de césures historiques liées à l’évolution de la science et des techniques, la ville comprise comme monde offre des représentations différenciées de l’espace urbain : la ville-monument renvoie, depuis l’essor de la ville en Mésopotamie, en Grèce et à Rome, à un espace public dont la visibilité est manifeste ; la ville-machine, dont Londres puis Chicago sont les symboles, réorganise l’espace urbain en décentrant les lieux de la production et du travail ; enfin, la ville-réseau tend à organiser l’espace autour des connexions (hyper-lieux12) et à numériser l’information et la communication.
Dans les trois cas de figure, l’espace public prend des formes diverses et l’imaginaire urbain se métamorphose : la ville classique offre ses monuments, que l’on visite aujourd’hui comme des musées ou des ruines ; la ville industrielle se retourne vers ses périphéries industrielles, où elle installe les usines et les ouvriers13 ; la ville contemporaine est marquée par la puissance incontestable du virtuel et de ceux qui en ont la maîtrise (le pouvoir économique des Gafam ou le pouvoir politique dans les pays dictatoriaux comme la Chine, l’Iran, ou la Russie). Dans cette optique, la place du monument, le rôle de la technique et la progression du réseau se trouvent, à chaque fois, redéfinis. L’imaginaire de la ville-monde ne renvoie donc pas à un même univers urbain, à un même paysage, selon qu’elle privilégie le monument public aux origines, la technique au moment de la révolution industrielle et le réseau imaginé depuis le Pentagone après la Seconde Guerre mondiale. Il y a toujours du monument, de la technique et du réseau, mais la ville ne dessine plus un même monde au fil des époques.
Il y a toujours du monument, de la technique et du réseau, mais la ville ne dessine plus un même monde au fil des époques.
Dans ces conditions, l’analyse que Hénaff propose de l’évolution des espaces privés et publics le conduit à penser « la ville qui vient aujourd’hui » dans les termes originaux d’un espace commun, et non plus d’un clivage privé/public qui est l’otage d’une architecture monumentale (celle de la ville antique ou de Paris la ville napoléonienne). Aujourd’hui, la ville-monde est connectée au réseau des « villes globales » interconnectées. C’est tout le paradoxe : la ville-monde des origines, ce microcosme renvoyant à un macrocosme, est désormais une ville mondialisée qui « ne fait plus monde », qui ne rassemble plus un « ensemble ». Si Hénaff en appelle à une « ville qui vient » en même temps qu’à réinventer un « espace commun », c’est que l’appréhension de l’espace urbain dans les termes du privé et du public n’est plus pertinente selon lui à une époque, la nôtre, où la « désintermédiation » et la « privatisation » s’imposent, et que l’espace public se rigidifie au profit de l’État régalien.
La ville-monument ou la ville comme macrocosme
Dans le cas des premières villes connues du Croissant fertile – les actes de naissance en sont multiples car il n’y a pas une origine géographique unique de la ville –, Hénaff met l’accent sur la dimension symbolique, cosmique, rituelle et politique de la ville-monument. Celle-ci se construit et s’organise pour être par elle-même « un monde » où vivent les membres d’une communauté urbaine : « C’est pourquoi elle absorbe en elle et ordonne vers elle l’espace environnant ; c’est pour cela qu’il faut qu’en elle soit concentré tout ce qui fait le monde : les humains, les divinités, l’ordre naturel et celui des artefacts. Elle articule la terre et le ciel, se présente comme un résumé de l’univers ; dans son périmètre, ses bâtiments publics et privés forment ensemble un tout monumental où se disent la pensée, les croyances et la sensibilité partagée d’une communauté14. » En conséquence, la ville elle-même est le monument dont la majesté réside avant tout dans la visibilité architecturale15, elle est un monument de monuments. Tous les monuments, et pas uniquement les bâtiments publics, sont en effet chargés de valeur symbolique. Qu’il s’agisse des temples, des palais, des édifices publics, ou d’autres types de constructions selon les cultures : théâtres, arènes, stades à Rome et en Grèce. Marcel Hénaff insiste sur le rôle des rites de fondation dans le cas de la Rome antique et de la Chine, et sur la place prise par la politique dans le cas de la Grèce, là où la ville est pour les hommes rassemblés dans une communauté politique (politeia) ce que la ville-monde est au genre humain dans son ensemble. La ville, domaine de la vita activa et de la vie publique qui se démarque de la maisonnée (oikonomia), renvoie doublement à la politique : aux bâtiments publics de la ville du pouvoir mais aussi à l’agora, autour de laquelle s’organise la délibération. L’espace public n’est pas réductible au seul monument visible : il renvoie également à l’espace vide de l’agora où se rassemblent les citoyens16.
L’enquête évoque ensuite la ville médiévale, puis celle de la Renaissance, indissociable de la perspective et du savoir architectural ouverts par Vitruve et Alberti. Si Hénaff valorise la dimension politique (Aristote) et juridique (Max Weber) de la ville, il souligne cependant que celle-ci est étrangère à nombre de pays de villes, comme la Chine ou le Japon. Ce qui ne sera pas sans soulever des interrogations quand l’urbanisation asiatique, à partir des années 1980, et notamment celle de la Chine qui a glorifié « la ville harmonieuse » (une deuxième révolution à la fois économique, technique et politique après celle du maoïsme), jouera un rôle majeur17.
La ville-machine ou l’impératif de la production
Si l’usine est le symbole de la ville-machine en tant qu’elle organise, produit et transforme des matières, la technique n’est pas un élément perturbateur exogène, comme le pensait à tort Lewis Mumford. En effet, comment la ville-monument aurait-elle pu se passer dès l’origine d’apports techniques et de la machine ? Elle ne peut de facto être dissociée de la dimension technique et économique. « La ville est un monde dans un autre sens que ne le pensait la tradition qui en faisait une image du ciel et le double microcosmique de l’univers. Elle crée un monde en ceci qu’elle le change, qu’elle y multiplie les artefacts ; mieux encore : c’est vers elle que convergent tous les éléments de la culture où elle apparaît ; elle n’est plus seulement le double analogique du cosmos : elle est le monde qu’elle fait. Comme méga-machine elle tend à se couper du ciel dont elle se voulait le reflet, elle ne cesse d’engendrer sa propre dynamique de production de formes et de biens, elle s’installe face à la nature comme son autre, regardant celle-ci comme une matière à mesurer, à modeler et à exploiter18. »
Les liens sont plus forts que les lieux.
Si la révolution industrielle a fait exploser tardivement la ville traditionnelle en Europe et outre-Atlantique, c’est qu’elle a été la conséquence directe de la réussite de la ville, d’un type de développement impliquant, dans des civilisations diverses, un phénomène qui n’est pas celui de la seule splendeur monumentale. Accélérant l’entrée dans l’univers de la production, la révolution industrielle se place sous le signe du fonctionnalisme, qui découpe le réel pour mieux le maîtriser. Ainsi l’urbanisme, marqué par Haussmann, Cerdà et les Congrès internationaux d’architecture moderne, va-t-il distinguer les fonctions (travail, loisirs, habitat, déplacements), et la fonction publique multiplier les services. Mais la mobilité l’emporte progressivement dans tous les domaines et toutes les fonctions vont lui être subordonnées. D’où le constat que les liens sont plus forts que les lieux et que les flux reconfigurent les espaces urbanisés. Et cela avant même que la révolution numérique n’engage et n’accélère la mobilité. « La ville entrait alors dans un âge de transformations critiques liées à la pénétration des trains dans les centres, aux transports automobiles, à l’éclairage au gaz, à l’électricité, au téléphone. Autant de réseaux techniques qui transforment le rythme des circulations, des communications et des échanges en tout genre19. » S’annonçaient déjà une autre économie et une autre urbanité.
La ville-réseau ou la montée en puissance de la connectivité
Ensemble monumental et dispositif technique, la ville a également été constituée dès ses débuts par le réseau qui permettait les échanges, la mobilité, la circulation et les relations. « Les premiers réseaux de circulation et d’échange de biens ont fait partie des conditions d’émergence du fait urbain ; ils ont rendu possibles la civilité communale et la culture des clercs et consacré la puissance politique des villes. Ceux qui s’imposent partout aujourd’hui avec les réseaux mondiaux de communication semblent traduire le triomphe de ce modèle né avec les villes20. » Mais, à la différence du précédent, ce décrochage historique dont nous sommes les contemporains se traduit par ce qu’il faut bien appeler la mort de la ville-monde au profit de la ville mondialisée par les réseaux et connexions en tous genres : « De même que la révolution industrielle avait brisé l’unité organique de la ville traditionnelle, de même la croissance exponentielle des réseaux de communication finit par mettre en cause l’idée même de ville. Une deuxième fois, une dynamique née du milieu urbain, accélérée par lui, aboutit à rendre obsolète non plus seulement la ville traditionnelle, mais la ville comme telle21. »
La connexion spatiale et la connectivité des réseaux sociaux s’étant substituées à la fonctionnalité industrielle, la ville apparaît désormais comme « un centre de décentrement ». « La puissance des réseaux est devenue si considérable, leur ubiquité si complète qu’aucun lieu d’implantation n’est désormais privilégié plus qu’un autre. Il s’agit d’une dislocation d’un genre très différent de celui provoqué par la révolution industrielle, non plus d’une expansion anarchique de la ville vers ses zones de relégation, mais d’un déploiement tendant à produire un archipel de lieux urbains. D’où la question : Sommes-nous passés de la dis-location à la dé-location22 ? »
À l’espace autonome et fini rendant possibles des trajectoires infinies s’est substitué un espace illimité car mondialisé et interconnecté.
Certes, nous sommes encore au cœur de cette mue et « la ville qui vient » reste énigmatique. La ville matérielle doit aujourd’hui s’accorder aux pressions de la connectivité immatérielle assurée par des outils en tous genres, mais aussi faire face à la viralité, comme le rappelle Appadurai. Reste à bien saisir ce qui se passe sur le plan matériel et ce qui se passe sur le plan virtuel, puisque l’un ne va pas sans l’autre. La ville interconnectée qui ne fait plus monde n’est plus guère habitable par une communauté urbaine : l’urbanisation participe désormais d’un marché de la concurrence urbaine qui regarde du côté des affaires, des événements ou du tourisme aux dépens des habitants eux-mêmes. Comment, dans ces conditions, « refaire monde » ? Comment remédier au déficit d’urbanité de l’urbanisation contemporaine ? Car le renversement des pratiques urbaines est un état de fait : à l’espace autonome et fini rendant possibles des trajectoires infinies, des pratiques urbaines diversifiées, s’est substitué un espace illimité car mondialisé et interconnecté. Or celui-ci rend possibles des pratiques limitées et segmentées. Faut-il en conclure que la non-ville est le destin de l’urbain ?
De l’espace public à l’espace commun
« En somme, l’espace est un lieu pratiqué. »
La ville d’hier n’est peut-être plus, la ville qui vient est incertaine et les scénarios en sont multiples et contrastés. C’est alors que commence la deuxième enquête qui, correspondant à la deuxième partie de l’essai, est destinée à imaginer une autre urbanité pour ne pas se satisfaire de l’hypothèse de la non-ville.
Hénaff tente de redonner du sens à la valeur politique et démocratique de la ville. S’il a mis l’accent sur la ville-monument et sur la ville-machine, et s’il s’inquiète de la possibilité de la vita activa au sein de la ville contemporaine, il lui faut avancer sur un double terrain23. Tout d’abord sur celui de la ville-monument qui est à l’origine de la construction des espaces publics visibles ; ensuite sur celui de la politique et de la démocratie au sens de l’agora qui rend possible la délibération. Dès lors, la généalogie de la ville tridimensionnelle s’accompagne d’une réflexion sur les métamorphoses de l’espace public, une thématique qui n’est pas neuve chez Marcel Hénaff puisqu’il a déjà publié un ouvrage sur ce sujet en anglais24.
Les deux sens de l’espace public
L’espace public évoluant au rythme des métamorphoses de la ville-monde, des accords et désaccords successifs entre le monument, la machine et le réseau, Hénaff se focalise sur les deux sens possibles de l’espace public. « Ou bien nous comprenons le mot espace littéralement, et nous aurons alors en vue des lieux ouverts à tous (rues, places mais aussi cafés, lieux de culte, parcs) ou au service de tous (postes, banques, mairies, écoles, hôpitaux, bibliothèques, tribunaux). C’est donc un espace où l’on peut voir, être vu, rencontrer, agir en personne. On s’expose à être jugé, estimé ou non, reconnu ou non25. » De ces monuments visibles, il ne reste souvent aujourd’hui que des objets de patrimoine cachés dans les cités de banlieue ou exhibés de manière ostentatoire dans les centres des villes26. Mais il existe un autre sens de l’expression « espace public » : celui des opinions partagées, des informations, des débats. Le mot espace y est pris dans un sens figuré qui désigne un ensemble immatériel de relations et de pensées, mais il renvoie aussi à des espaces de délibération et à des institutions dont les scènes sont variées. Celles-ci font écho aussi bien à l’agora des Grecs, qui n’est pas un monument mais un espace vide, qu’à l’échange virtuel sur les réseaux sociaux. « Faut-il alors considérer comme une simple convergence la dislocation de la ville ancienne par l’industrialisation en plein essor et la montée en puissance des nouveaux réseaux de communication ? La réponse est que cette convergence était en quelque sorte inévitable. Désormais le stock, c’est le flux. Il y a donc bien une convergence de la dislocation de la ville-machine et de l’avènement de la ville-réseau : il y a eu fusion de deux processus27. »
Cette double conception pose cependant divers problèmes qui invitent à dépasser le clivage privé/public. Un premier problème est celui de la crise du modèle monumental à partir du moment où le réseau fragmente le monument puisque l’ancienne fonction techno-sociale de la ville a été transférée sur le réseau de communication au profit de l’échange virtuel (c’est ce qu’on appelle la « désintermédiation » administrative). Ce qui implique l’obsolescence de la centralité administrative et la substitution du lien immatériel à la monumentalité, mais n’empêche pas la ville de faire preuve de résistance « matérielle » : car elle reste un territoire, un facteur de stabilisation dans l’espace virtuel du réseau. Reste que la relation territoire/déterritorialisation se fait en sa défaveur. Ce que montre in vivo la période du confinement.
Hénaff en appelle à une revalorisation des pratiques urbaines sur le plan physique et corporel.
Cette double interrogation sur l’espace public, visible (le monument) et immatériel (le réseau), est le point de départ d’une réflexion inattendue sur l’espace commun28. Celle-ci doit en effet se substituer à celle qui opposait le privé et le public (le plus souvent contrôlé par l’État qui est la puissance publique). Prenant ses distances avec les chantres de la révolution numérique qui ne semblent pas s’inquiéter du processus de « désincorporation » de la démocratie mis en avant par des auteurs comme Alexis de Tocqueville ou Claude Lefort, Hénaff en appelle à une revalorisation des pratiques urbaines sur le plan physique et corporel. Dans la ville de demain où le monument et l’usine ont déjà laissé la place à des connexions et à un réseau qui se développe selon un mode de plus en plus virtuel, il ne cherche pas cependant à imaginer de nouveaux espaces publics, mais à voir ce qui peut redonner du corps à l’échange urbain lui-même.
C’est ici l’occasion de rappeler que Marcel Hénaff a suivi les séminaires de Henri Maldiney29 sur la philosophie de l’espace, et qu’il a pris le relais de Michel de Certeau à l’université de San Diego en Californie, mais aussi qu’il partage un même amour de la ville que Lévi-Strauss30. Il pourrait déclarer, avec Françoise Choay, que « la terre se meurt31 », dès lors que le règne de la connexion a mis un terme définitif à ce qu’on a pu appeler les valeurs urbaines au seul profit d’un homo protheticus, mais ce n’est pas l’option privilégiée ici. Hénaff s’inquiète au contraire d’une réinvention du quotidien32, de la « capacité urbaine » des habitants, et insiste sur des espacements permettant de reconquérir non pas un espace public, mais des espaces communs. Là où Françoise Choay observe dans Espacements33 la disparition de la rue médiévale et de sa vicinalité, puis celle de la place de la Renaissance et des modes de circulation de l’époque industrielle au bénéfice de la montée en puissance exponentielle de la connexion qui réorganise les lieux, Hénaff propose d’inverser le raisonnement. Il part donc de la connexion pour « refaire » de la rue et de la place au sens de les ré-habiter, il ne va pas du réel au virtuel mais du virtuel au réel.
La rue permet en effet la rencontre du privé et du public sur un mode inédit en favorisant leur coexistence, pour ne pas dire leur mélange, et donne lieu à la revalorisation d’un espace commun. « L’expansion du modèle du réseau et des communications à distance doit-elle être l’acceptation d’une communauté de corps absents ? Notre analyse à partir de l’espace commun est clairement non. Dès lors comment penser l’espace construit pour rendre possible la vie commune et le penser comme espace public à l’âge de l’information ? Tel est le défi. La question est alors de savoir comment, à partir du développement de l’espace virtuel, maintenir un espace concret pour le corps, un espace d’habitation, et finalement comment réinventer un monde commun ; comment réinventer la rue et la place, comment manifester des signes publics, c’est-à-dire visibles, d’identité urbaine. Percevoir le mouvement qui, sous nos yeux, va du monumental au virtuel, dans “la ville qui vient”, ce serait comprendre une des transformations majeures de notre temps. Mais, peut-être, plus essentiellement, ce que nous devons apprendre ou réapprendre, c’est ce mouvement qui va du virtuel au corporel. Jamais une image de synthèse n’abolira un corps de chair. Jamais un réseau de relations ne se substituera à la parole que j’adresse à l’être qui m’est le plus proche, non moins qu’au premier venu34. »
La rue est par excellence le lieu de ce qu’on peut appeler la vie commune, en tant qu’elle se distingue à la fois de la vie privée et de la vie publique. Elle donne forme à cette vie commune selon de nombreuses composantes, parmi lesquelles la vicinalité, la civilité, la visibilité, la diversité. Cet espace commun est ressenti d’abord comme « une offre de paix, comme une chance de sérénité35 » : il n’est ni un espace privé à défendre contre des intrus, ni un espace public réglé par des protocoles trop stricts (qu’il s’agisse des conditions d’ouverture d’espaces privés, comme les passages parisiens, ou publics, gérés par les États ou des institutions publiques)36. La rue comme espace commun n’exige pas une nouvelle architecture : elle est le lieu où l’on se parle, où l’on se querelle, où l’on se respecte. Mais, aujourd’hui ce lieu existe surtout en dehors de l’Europe, là où la rue n’a pas été privatisée par l’économie et le tourisme : « Il existe car tel est encore le mode de vie de milliards d’humains, un mode de vie dont, dans nos métropoles développées nous n’avons plus idée37. »
Passant ainsi d’une réflexion structurelle sur les trois dimensions de la ville où il en appelait à la politique, Hénaff revient à celle-ci par la prise en compte des pratiques effectives qui sont celles de la rue et de la place. Ce qui le conduit à se démarquer implicitement de Claude Lévi-Strauss, dont l’amour de la ville (en raison même des couacs et des courts-circuits surréalistes qu’elles rendent possibles, comme à New York) s’accompagne, dans Tristes Tropiques, d’une vision dramatique du devenir urbain en Asie, en Inde ou au Pakistan.
De l’invitation cérémonielle à la reconnaissance mutuelle
Au terme de cette double enquête, il ne reste pas d’autre issue à Hénaff que d’en appeler à un espace commun passant par une valorisation de la rue et de la place en tant qu’ils font « mi-lieu », qu’ils font coexister des lieux et des individus. Peut-on laisser croire dans un esprit utopique que l’urbanité puisse ainsi gagner du terrain et résister aux pressions d’une urbanisation galopante ? Est-il sûr, confinement ou pas, que la rue comme espace commun soit une perspective réaliste alors qu’on lui demande d’accompagner la privatisation du monde, de s’accorder aux mobilités dites « douces », qui exigent de chacun qu’il suive son couloir, qu’à défaut d’être online, il reste in line ? Certes, les exemples manquent cruellement, mais il n’est pas sûr que la rue redevienne un « milieu urbain ». Elle tend déjà à assurer elle-même des connexions et des mobilités (des croisements plutôt que des ronds-points) qui n’interfèrent ni ne s’entrelacent, pour créer une « ville passante38 », où la vitesse mondialisée coexiste avec la vitesse piétonnière, mais aux dépens de toutes les autres (celles qui font médiation). Des croisements qui font aussi écho à la liberté de voyager, aux mobilités transnationales comme aux flux migratoires39.
Le lecteur assidu de Marcel Hénaff l’anthropologue pourra également porter attention à ses propos inattendus sur la corruption dans les sociétés non européennes, qui ne sont pas encore soumises au règne de la marchandisation généralisée. Dans un entretien publié dans Esprit dans un dossier consacré aux biens non marchands40, il attend finalement plus des pays émergents et de leurs rues invivables en apparence que des espaces modernes – fatigués et recroquevillés dans des hubs ou dans des malls franchisés –, car ces pays encore peu « modernes » sont porteurs de traditions et de mémoires collectives mais aussi inventeurs de bricolages et d’utopies au quotidien. C’est un point d’interrogation que nous laisse Hénaff, mais je suis de ceux qui pensent que son éloge de l’Europe41 publié dans Esprit est plus fragile qu’on ne le croit, en ceci qu’il ne salue pas une supériorité culturelle et ne demande pas aux émergents de suivre le rythme imposé de la modernisation. Son doute envers le devenir des sociétés modernes n’est d’ailleurs pas sans lien avec son travail au long cours sur le don cérémoniel42, qui n’est ni utilitaire ni antiéconomique, mais en appelle à la reconnaissance… et à l’amour43. L’intérêt pour la rue qui, terme inattendu de la deuxième enquête, fait glisser l’interrogation du public au commun, peut paraître un peu déséquilibré, volontariste. Mais pourquoi, lui, le voyageur cosmopolite, le migrant intellectuel, n’aurait-il pas le droit d’attendre que le don cérémoniel, celui qui attise le partage des reconnaissances, s’exerce en bas de chez lui, en bas de chez nous, au-delà de la porte d’entrée, dans la rue et sur les places ? Bref, la modernité européenne est lasse et fragile, ce que nous ressentons plus que jamais en ces temps de coronavirus qui affecte l’Europe démocratique, si sûre d’elle-même et de ses savoirs, plus que tous les autres mondes. C’est de là-bas, de la rue et d’ailleurs, que l’histoire peut reprendre souffle… de Mexico par exemple. Illusion, dira-t-on !
- 1. Marcel Hénaff, Le Prix de la vérité. Le don, l’argent, la philosophie, Paris, Seuil, coll. « La couleur des idées », 2002 ; M. Hénaff, Le Don des philosophes. Repenser la réciprocité, Paris, Seuil, coll. « L’ordre philosophique », 2012.
- 2. Voir M. Hénaff, La Ville qui vient, Paris, L’Herne, 2008, et un long entretien « Monument, machine et réseau : les trois dimensions constitutives du fait urbain », Tous urbains, no 17, avril 2017.
- 3. M. Hénaff, Claude Lévi-Strauss et l’anthropologie structurale, Paris, Pocket, coll. « Agora », 2000 ; Claude Lévi-Strauss, le passeur de sens, Paris, Perrin, coll. « Tempus », 2008. Voir aussi ses articles dans deux numéros d’Esprit consacrés à la pensée de Claude Lévi-Strauss : « Claude Lévi-Strauss, une anthropologie “bonne à penser” » et « 1963-2003 : l’anthropologue face à la philosophie. Entretien de Marcel Hénaff avec Claude Lévi-Strauss », Esprit, janvier 2004 ; « Adieu à la structure ? », Esprit, août-septembre 2011.
- 4. Ce qui n’a pas laissé indifférent Paul Ricœur qui le discute dans Parcours de la reconnaissance, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2005, p. 341-378.
- 5. Françoise Choay, « Le règne de l’urbain et la mort de la ville », dans Pour une anthropologie de l’espace, Paris, Seuil, 2006, p. 165-198.
- 6. Arjun Appadurai, Géographie de la colère. La violence à l’âge de la globalisation, Paris, Payot, 2007. Dans cet ouvrage qui anticipe fort bien les violences contemporaines, l’auteur observe un double mouvement au sein de l’univers urbain des pays émergents : des formes étatiques qui continuent d’être vertébrées (verticales, hiérarchiques) et des phénomènes horizontaux qualifiés de cellulaires qui se propagent sur le mode de la viralité (les pandémies, comme le rappelle le coronavirus, les virus informatiques et la violence terroriste, autant de phénomènes imprévisibles et invisibles). Ce livre montre combien notre monde à la fois globalisé et fragmenté doit être observé depuis les pays émergents et pas seulement depuis l’Occident démocratique.
- 7. Je me permets de renvoyer à mes deux ouvrages sur la mondialisation urbaine : Olivier Mongin, La Condition urbaine. La ville à l’heure de la mondialisation, Paris, Seuil, coll. « Points poche », 2007 ; La Ville des flux. L’envers et l’endroit de la mondialisation urbaine, Paris, Fayard, 2015.
- 8. Voir M. Hénaff, La Ville qui vient, op. cit., p. 12.
- 9. Voir les deux classiques de Lewis Mumford, Technique et civilisation, Paris, Seuil, coll. « Esprit », 1950, et le monumental La Cité à travers l’histoire, Paris, Seuil, coll. « Esprit », 1972.
- 10. Voir Françoise Choay, La Règle et le modèle. Sur la théorie de l’architecture et de l’urbanisme, Paris, Seuil, 1996. L’ouvrage est consacré au De re aedificatoria (1452) d’Alberti et à L’Utopie (1516) de Thomas More.
- 11. Hénaff renvoie au texte de Michel Serres, La Distribution. Hermès IV, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Critique », 1977. Ce dernier distingue trois moteurs : le vectoriel (le moulin, le levier), le transformationnel (la machine à vapeur) et le moteur informationnel.
- 12. Voir Michel Lussault, Hyper-lieux. Les nouvelles géographies de la mondialisation, Paris, Seuil, 2017.
- 13. Pour comprendre le caractère social, sanitaire et hygiéniste de la cité ouvrière, voir l’essai de Jacques Donzelot, Vers une citoyenneté urbaine ? La ville et l’égalité des chances, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2009.
- 14. M. Hénaff, La Ville qui vient, op. cit., p. 74.
- 15. Certes, le monument ne fait pas la ville puisque des sociétés pré-urbaines ont édifié des monuments depuis longtemps. Ce constat donne l’occasion à l’anthropologue passionné par le don de rappeler que le monumental va de pair avec l’ostentatoire et le prestige. Sur les monuments, voir Livio Vacchini, Capolavori (Chefs-d’œuvre), Paris, Éditions du Linteau, 2006. Cet ouvrage s’ouvre sur une magnifique étude des pierres/dolmens de Stonehenge en Angleterre.
- 16. Hénaff renvoie sur ce point à l’œuvre de Jean-Pierre Vernant.
- 17. Sur l’évolution urbaine de la Chine dont le développement est littéralement fulgurant, voir l’excellente revue Perspectives chinoises qui, basée à Hong Kong, publie régulièrement des dossiers sur ce thème.
- 18. M. Hénaff, La Ville qui vient, op. cit., p. 88.
- 19. Ibid., p. 113.
- 20. Ibid., p. 142-143.
- 21. Ibid., p. 143.
- 22. Ibid., p. 114.
- 23. On peut suggérer une analogie avec Condition de l’homme moderne de Hannah Arendt dont les trois concepts clefs sont l’œuvre (ici le monument), le travail (ici la machine) et l’action (la vita activa au sens de l’espace commun où échanger ensemble).
- 24. M. Hénaff et Tracy Strong, Public Space and Democracy, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2001.
- 25. Entretien avec M. Hénaff, « Monument, machine et réseau : les trois dimensions constitutives du fait urbain », art. cité, p. 27.
- 26. Deux exemples parmi d’autres en France : l’Hôtel de région dans le quartier de Lyon Confluence qui a été confié à Christian de Portzamparc et le Palais de Justice de Paris qui a été confié à Renzo Piano.
- 27. M. Hénaff, « Monument, machine et réseau », art. cité, p. 28-29.
- 28. M. Hénaff, La Ville qui vient, op. cit., p. 197.
- 29. Voir Chris Younès, « Henri Maldiney et l’ouverture de l’espace », dans Thierry Paquot et Chris Younès (sous la dir. de), Le Territoire des philosophes. Lieu et espace dans la pensée du xxe siècle, Paris, La Découverte, 2009.
- 30. L’ouvrage de Marcel Hénaff est dédié entre autres à Henri Maldiney et à Michel de Certeau.
- 31. Françoise Choay, La Terre qui meurt, Paris, Fayard, 2011.
- 32. Voir Michel de Certeau, L’Invention du quotidien [1980], Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1990.
- 33. Françoise Choay, Espacements. L’évolution de l’espace urbain en France, Milan, Skira, 2003. Voir aussi le dossier « L’architecture et l’esprit de l’urbanisme contemporain », Esprit, octobre 2005.
- 34. M. Hénaff, La Ville qui vient, op. cit., p 218-219.
- 35. Voir ibid., p. 208.
- 36. Ibid., p. 208.
- 37. Ibid., p. 219-220.
- 38. L’expression est de David Mangin. Voir D. Mangin, La Ville franchisée. Formes et structures de la ville contemporaine, Paris, Éditions de la Villette, 2004.
- 39. Après avoir rappelé que l’Europe concentre la moitié des entrées aux frontières, et que le record mondial revient à la France (89 millions d’entrées, migration non comprise), devant l’Espagne (83 millions), les États-Unis (80 millions), la Chine (63 millions) et l’Italie (62 millions), François Héran observe à bon escient que « l’immigration zéro est un déni de réalité tout autant que le slogan “no border” […] Une fois déconfiné le monde aura encore besoin de circuler » : « François Héran : “L’idéologie du confinement national n’est qu’un ruineux cauchemar” », Le Monde, 28 avril 2020.
- 40. M. Hénaff, « De la philosophie à l’anthropologie. Comment interpréter le don ? » Esprit, février 2002.
- 41. M. Hénaff, « L’Europe, une genèse paradoxale », dans le dossier « Nous, l’Europe et les autres », Esprit, décembre 2017.
- 42. Voir M. Hénaff, « De la philosophie à l’anthropologie », art. cité.
- 43. Son premier ouvrage consacré à Sade et à une critique du corps libertin était un éloge de l’échange amoureux. Comme quoi la question de l’échange et de la réciprocité a inauguré son travail au long cours, voir M. Hénaff, Sade, l’invention du corps libertin, Paris, Presses universitaires de France, 1978.