
L'Iran perd patience
Le président iranien Hassan Rouhani a annoncé, dans un discours télévisé le 15 mai 2019, que l’Iran se retirera partiellement de l’accord nucléaire historique de 2015. La décision de l’Iran de réduire ses engagements au titre du Plan d’action global conjoint (JCPOA), connu sous le nom d’accord P5+1, est une réaction à la pression accrue exercée par les États-Unis les semaines précédentes afin de ramener les exportations pétrolières de l’Iran à zéro. En réponse aux sanctions américaines, l’Iran exige que les autres signataires de l’accord – la Grande-Bretagne, la Chine, la France, l’Allemagne et la Russie – assouplissent les restrictions imposées aux secteurs bancaire et pétrolier de l’Iran dans les soixante prochains jours. Au cas où les cinq signataires de l’accord décideraient de ne pas agir en faveur de l’Iran, les autorités de Téhéran lèveront les plafonds sur les niveaux d’enrichissement de l’uranium et reprendront les travaux sur l’installation nucléaire Arak. Les plans de l’Iran mettent fin à de longues et laborieuses négociations multilatérales qui limitent strictement ses activités nucléaires en échange de la levée de la plupart des sanctions internationales. Sans aucun doute, la décision de l’Iran est l’expression d’une perte de patience à l’égard d’un accord qui n’apporte que très peu des avantages économiques promis. Mais, en reprenant ses opérations d’enrichissement de l’uranium, l’Iran pourrait mettre en danger ses relations diplomatiques avec l’Europe et faire le jeu de l’administration Trump, qui a adopté une ligne dure contre Téhéran.
Par conséquent, l’Iran est peut-être économiquement isolé, mais le message de la Russie est que l’Iran n’est pas seul. Le Kremlin s’est associé à Téhéran pour accuser les États-Unis de s’être retirés de l’accord nucléaire, tout en approuvant le retrait de l’Iran de certaines des conditions de l’accord sous la pression des États-Unis. Selon le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, « le président Poutine a parlé à plusieurs reprises des conséquences de mesures non réfléchies concernant l’Iran et… nous voyons maintenant que ces conséquences commencent à se faire sentir ». Bien sûr, le geste russe envers l’Iran n’est pas sans intérêt à long terme pour le Kremlin. Les sanctions américaines contre l’Iran entraîneront certainement le développement de la coopération entre Moscou et Téhéran, mais aussi avec des pays, comme la Turquie, qui sont importants pour la politique étrangère américaine.
La politique
de « pression maximale » de l’administration Trump sur l’Iran vise directement à encourager les troubles sociaux
dans les villes iraniennes.
Néanmoins, l’application de la nouvelle série de sanctions américaines est susceptible d’affecter les bénéfices des grandes sociétés métallurgiques iraniennes, telles que Mobarakeh Steel ou la National Iranian Copper Industries Company, ce qui aura un effet sur les revenus du gouvernement iranien, mais aussi sur les bilans des sociétés minières et métallurgiques fortement endettées de l’Iran. Il ne fait aucun doute que cette situation sera suivie d’un chômage de masse, en particulier parmi les cols bleus employés par les entreprises d’État qui constituent l’épine dorsale de l’économie iranienne. Ce n’est un secret pour personne que l’an dernier, les deux millions et demi d’employés du gouvernement n’ont pas obtenu d’augmentation, alors que les prix augmentaient. La politique de « pression maximale » de l’administration Trump sur l’Iran vise directement à encourager les troubles sociaux dans les villes iraniennes, en suscitant des grèves de travailleurs (dans le style polonais de Solidarité dans les années 1980) dans l’industrie des métaux. Pour Donald Trump et ses collaborateurs, le résultat de leur confrontation avec l’Iran est clairement de priver le régime iranien des fonds qu’il peut utiliser pour imposer son hégémonie au Moyen-Orient, mais aussi de faire pression sur la vie quotidienne des Iraniens. En conséquence, l’inflation atteint des sommets en Iran et les produits de base sont de plus en plus chers. Les sanctions contre le régime de Téhéran ont touché toutes les classes sociales de la population iranienne, ce qui rend plus difficile, pour la classe moyenne iranienne, de voyager et de se procurer les fournitures de bureau courantes. Mais, du point de vue de l’administration Trump, le malaise économique en Iran devrait tôt ou tard provoquer des manifestations. Mais cela signifie-t-il le début de la fin du régime des Ayatollahs ?
Si nous examinons de près la situation géostratégique du Moyen-Orient, la menace de l’Iran de violer le JCPOA est une décision très préoccupante. N’oublions pas que, du point de vue de l’Iran, l’Amérique de Trump est considérée comme un État voyou. Quant à l’administration Trump, elle considère le régime islamique de Téhéran comme son ennemi numéro un au Moyen-Orient. L’annonce récente de John Bolton, conseiller du président Trump pour la Sécurité nationale, selon laquelle les États-Unis envoyaient au Moyen-Orient un groupe de porte-avions et des bombardiers pour protéger les alliés américains et leurs intérêts, constitue une intimidation sans équivoque du régime iranien. Au cours des dernières semaines, la Maison Blanche a intensifié sa campagne de pressions et de menaces contre les autorités de Téhéran et son bras militaire, les Gardiens de la révolution. Aux yeux de Washington, l’Iran est un État voyou en raison de son soutien aux groupes militants, de ses violations des droits de la personne et de sa recherche de technologies liées au nucléaire. Mais, malgré les sanctions, l’Iran n’a pas encore pris de mesures.