
L’écriture du monde. Albert Camus, l’Amérique et la mer
Dans ses Journaux de voyage, Camus emmène ses lecteurs vers des « pays de liberté ». Cette écriture du monde témoigne d’une attention à la vie, dont la mer est le symbole sensible.
Il y a soixante ans disparaissait Albert Camus dans l’accident de voiture qui coûta la vie également à son ami Michel Gallimard, tandis que Janine et Anne Gallimard en sortirent indemnes. Cette existence brisée par un fléau moderne, qui allait révéler, décennie après décennie, son caractère massif et implacable, sembla figer l’écrivain dans l’inachèvement indépassable de son œuvre. Pourtant, par la volonté de sa femme Francine Camus, puis de ses enfants Jean et Catherine, et grâce au soutien de son principal éditeur, Gallimard, des écrits majeurs furent révélés et édités après sa mort, contribuant à faire vivre une figure de son temps comme du nôtre. Ces éditions posthumes concernaient d’abord ses « cahiers », comme il dénommait ce journal intime, politique et littéraire tenu dès sa prime jeunesse à Alger et auquel le public put accéder à partir de 1962 dans la célèbre collection « Blanche » sous le titre de Carnets[1]. Suivirent en 1978, à l’initiative de Roger Quilliot, l’édition des Journaux de voyage, appendice des « cahiers », composés lorsqu’Albert Camus voyagea en Amérique du Nord (1946) et en Amérique du Sud (1949), l’amenant à des traversées transatlantiques qui l’inspirèrent beaucoup[2]. En 1994, ce fut l’événement de la révélation du Premier Homme, un manuscrit sur leq