
Crucifixions de Juste Lipse
Avec Crucifixions, c’est une passionnante « curiosité » que nous fait découvrir cette première édition française du De cruce[1], de l’humaniste flamand Juste Lipse. Ce voyage à travers « les formes et les méthodes » des modes du supplice de la crucifixion dans l’Antiquité, paru en 1593, doit sa stupéfiante étrangeté, pour un lecteur d’aujourd’hui, familier d’une sécularisation du religieux, à un double souci : celui de l’érudit antiquaire de ne rien omettre des différentes phases de la mise en croix ; celui de l’humaniste, calviniste repenti, de rappeler que ce supplice, le plus infamant de tous, parce que réservé dans l’Antiquité romaine aux esclaves et aux séditieux, reste le symbole mystique – la plus grande des parures – de la foi chrétienne. S’il faut saluer avec enthousiasme l’initiative qui nous vaut cette traduction, nous paraît en revanche fâcheusement arbitraire et anachronique l’intention secrète que le traducteur prête à Juste Lipse dans sa préface : dénoncer les crimes de l’Inquisition espagnole au miroir des descriptions de l’affreux supplice de la croix. Il est certain que ce grand humaniste du Nord s’est voulu le fer de lance d’un néostoïcisme à même, en réconciliant sagesse antique et sagesse chrétienne, d’offrir une « thérapeutique » pour temps