
The Education of an Idealist de Samantha Power
Le conflit entre les principes et la realpolitik est au cœur des mémoires de Samantha Power, ancienne conseillère spéciale d’Obama et ambassadrice des États-Unis à l’Onu de 2013 à 2017. Celle qui était une militante des droits de l’homme reconnue fait le récit de sa confrontation aux contraintes de l’exercice de pouvoir auprès de Barack Obama. La nouvelle arrivée en politique – déjà critique de Hillary Clinton et de Susan Rice, ses futures collègues – possède l’image d’une idéaliste, intransigeante envers toute exaction contre les civils. Ainsi, au cœur de la crise libyenne, la conseillère spéciale du président soutient la décision d’intervenir et insiste, encore aujourd’hui, sur l’incapacité de Kadhafi à gouverner le pays, présentant la protection des civils de Benghazi comme une manière d’accélérer une mécanique déjà enclenchée. Face au chaos syrien et à la volte-face de Barack Obama quant à la « ligne rouge » de l’usage de l’arme chimique, Power fait cette fois face à son incapacité à convaincre le président, tout en révélant que l’emploi de la force a été envisagé en termes très concrets. Si, de son propre aveu, l’ex-ambassadrice n’a jamais pensé démissionner, elle se justifie par l’intérêt de changer les choses de l’intérieur – un prétexte pourtant rejeté dans A Problem from Hell, l’ouvrage qui l’a rendue célèbre en 2002. Elle réfute également certaines accusations, de son supposé soutien à la guerre en Irak à sa réputation générale de va-t-en-guerre. Quant à Barack Obama, il bénéficie de la clémence de celle qui l’a suivi depuis qu’il est sénateur. Dès leur première rencontre, le président américain apparaît comme un pragmatique en politique extérieure, tenant de l’éthique de responsabilité, porté sur les conséquences des actes plus que sur les principes qui les guident. Une vision que résume sa maxime : Better is good. Mélange de réflexion morale, d’autobiographie, d’analyse des mécanismes diplomatiques et de récit politique, The Education of an Idealist déçoit toutefois par l’absence de réflexion poussée sur le concept même d’idéalisme en relations internationales et les raisons de sa marginalisation actuelle. Devenue plus politique que militante, Samantha Power pèche également par ses éléments de langage – qualifiant l’accord trouvé avec les Russes au sujet des armes chimiques syriennes de « succès » – et son silence sur la prison de Guantánamo.