
Atlas historique de la France de Christian Grataloup
Avec Charlotte Becquart-Rousset. Préface de Joël Cornette
L’espace est la réalité englobante d’une histoire qui porte en elle un héritage vivant ; il met en cause, selon Fernand Braudel, à la fois toutes les réalités de l’histoire et toutes les parties prenantes de l’étendue : les États, les sociétés, les cultures, les économies. Dans ce territoire sans cesse en mouvement s’inscrit tout ce que le passé a patiemment déposé, par couches de temps successives, accumulées au fil des siècles. La fabrique en somme de la « nation France ». C’est à ce processus de création et de mutation millénaire auquel on assiste à l’aide des 375 cartes qui retracent toutes les étapes de l’histoire de notre pays, de ses plus lointaines origines à nos jours. Des cartes parfois saisissantes, comme celle portant sur la genèse de la population qui, dès les années – 5000, montre les différents apports successifs qui ont enrichi le fonds originel, avec l’arrivée des agriculteurs du Moyen-Orient suivis des Vascons, Celtes, Germains, Vikings, Hongrois, Maures… des vagues successives auxquelles se sont jointes bien d’autres à compter des années 1820-1850 (Allemands, Belges, Suisses, Italiens, Arméniens, Russes, Espagnols, Maghrébins, Portugais, Africains subsahariens, Asiatiques), la population d’origine migratoire récente représentant 9 millions d’habitants (sur 65 millions). Ce tableau illustre combien le temps a une dimension géographique, dont la carte permet d’éclairer les phénomènes historiques en les inscrivant dans un espace dessiné. Cet espace est saisi à toutes les échelles, car l’Hexagone n’est pas l’unique mesure à laquelle il faille se référer. L’histoire s’enracine au plus profond d’un terroir, en une plongée surprenante dans un « pays » (voyez les dynamiques de l’espace dans la plaine de Caen de la protohistoire au Moyen Âge). Et puis l’échelle s’élargit pour offrir une vision plus ample : la France dans l’Europe et, au-dessus d’elle, la France dans le monde (au xviiie siècle, par exemple). Pierre après pierre, carte après carte, ce jeu d’échelles du local au global permet de construire et de pérenniser la solide architecture d’une « géohistoire ». Elle ne cesse de nous surprendre par la diversité des sujets et de ses objets. Nous sommes donc en présence d’une histoire globale inédite, qui dessine l’identité d’une France à la fois une et divisible à l’infini. Mais mettre en scène le passé n’a de signification qu’en fonction des usages qu’on en fait. Le tourisme historique comme la recherche archéologique nous permettent de composer un patrimoine, de créer une mémoire territorialisée, de fabriquer du collectif, de respecter et de fondre simultanément sa diversité. Cet atlas ne se concentre pas sur le seul territoire métropolitain. On y trouvera par exemple, sur deux pages, la carte de la campagne de Russie (1812), les révolutions de 1848 en Europe, la guerre de 1870, les espaces successifs de l’empire français, puis de la décolonisation. À l’heure où ce vieux pays traverse une passe difficile, en proie à tant d’assauts, il est bon de se replonger dans la densité de sa belle histoire, d’admirer la formation de ses villages, de ses provinces, ou de mieux comprendre ses exploits, ses épreuves, comme son rayonnement à travers l’espace et le temps.