
Joan Mitchell. La fureur de peindre de Florence Ben Sadoun
Suivre le regard de Florence, c’est essayer de comprendre, sans forcément y parvenir, ce que peut être un coup de foudre avec une toile, puis toutes les toiles d’une peintre. Et suivre la vie de Joan, c’est traverser l’après-guerre culturel et romantique, entre New York et Paris.
Florence Ben Sadoun, l’autrice de ce Joan Mitchell, m’avait raconté au café de la Comédie comment elle s’était sentie à la fois transportée et transpercée par une toile de Mitchell qu’elle ne connaissait pas, alors qu’elle n’était ni experte ni particulièrement attirée par la peinture américaine contemporaine. Transportée ailleurs : on le sait avec ce livre, cet ailleurs a pris la forme d’un tour des lieux dans lesquels Joan a peint, beaucoup bu, souvent fait l’amour et, plus souvent encore, s’est disputée. « Transpercée l’échine bien au-delà de la masse musculaire » : la première scène se situe au Moma en 2007 : une toile au mur et, dans l’atrium, la « regardrice » Ben Sadoun, comme elle se qualifie elle-même. Et commence une histoire d’amour… Rien de tel n’est évoqué à la Comédie et c’est pourtant aussi limpide qu’une peinture, après avoir tourné la dernière page de ce qui semble une quête amoureuse. Ben Sadoun est regardrice de toiles et voyeuse de la vie de Mitchell, probablement autant que Joan pouvait être peintre et extravagante. Suivre le regard de Florence, c’est essayer de comprendre, sans forcément y parvenir, ce que peut être un coup de foudre avec une toile, puis toutes les toiles d’une peintre. Et suivre la vie de Joan, c’est traverser l’après-guerre culturel et romantique, entre New York et Paris. Difficile d’esquiver un peu de nostalgie et de ne pas se demander ce que le fond de l’air de l’époque avait de si particulier pour avoir fait se rencontrer, dans les mêmes cafés du Quartier latin, de si grands artistes. Et un autre fil rouge du récit est cette douce folie, ces colères et ces disputes, les amours aussi grandes que les séparations et les joies partagées de ces intellectuels, qui semblent n’avoir eu d’égal que leurs tourments intimes. Un récit bien nommé sur « la fureur de peindre », – avec peut-être le sous-titre oublié qu’il ne pourrait en être autrement.