
Les nouveaux visages du fascisme d'Enzo Traverso, avec Régis Meyran
Enzo Traverso se méfie de la notion de populisme, dont on abuse tellement qu’elle finit par ne plus rien signifier. Pour lui, le populisme est « un style politique et non une idéologie ». Pourtant, il concède : « Le style devient de plus en plus important au fur et à mesure que l’idéologie s’efface. » Il préfère donc la notion de « postfascisme ». En France, ce dernier concerne « le repli identitaire qui vise à exclure », celui du Front national, et « la rhétorique républicaine », qui fait « l’impasse sur l’histoire de la République ». Selon l’auteur, les deux replis sont animés par une peur de l’islam, qui lui paraît ressembler à l’antisémitisme dans l’Allemagne de la fin du xixe siècle, la peur d’un « corps étranger à la nation ». Au fond, pour Traverso, un brin mélancolique, « ce xxie siècle s’ouvre sans utopies », après « la défaite des révolutions au xxe siècle ». Par-delà la menace « postfasciste », il identifie une « menace totalitaire », le risque que les relations marchandes effacent le politique : « L’idéologie du marché est la religion politique de notre temps. » Traverso place donc ses espoirs dans « l’essor d’un mouvement social combiné à une révolte de la jeunesse postcoloniale », mais il souligne lui-même les difficultés d’une telle cause commune, en évoquant le cas d’une militante voilée du Npa. On s’étonne que l’écologie politique soit absente de la conversation.