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Notes de lecture

Dans le même numéro

Des vaisseaux et des hommes. La marine de Louis XV et Louis XVI de Patrick Villiers

mai 2022

Dans L’Empire des Français (Seuil, 2012), Aurélien Lignereux revenait sur le cliché d’une marine française structurellement faible comme cause de la chute inéluctable de Bonaparte. L’ouvrage de Patrick Villiers peut ainsi se lire comme l’histoire au long cours de cet impensé : les chiffres budgétaires qu’il expose montrent clairement la priorisation de l’armée de terre tout au long du xviiie siècle, dans un contexte où, devant la supériorité numérique flagrante de la Royal Navy, « il est inutile d’avoir la deuxième marine du monde  ». Les lecteurs s’amuseront des propos critiques proférés par les commandants des vaisseaux français au xviiie siècle. Le paradoxe est que ce fut cette arme historiquement moins développée qui permit la victoire des insurgés américains dans la guerre d’indépendance, grâce à la bataille de la baie de Chesapeake (1781), que l’auteur narre en détail. Les pages sur l’organisation de la marine française à travers le xviiie siècle sont notables pour la comparaison avec le modèle britannique dans le même temps, où un parti belliciste et « promaritime » existait à la Chambre des communes et où une importante marge de manœuvre était laissée aux amiraux. A contrario, le financement des vaisseaux en France apparaît plus volontariste, reposant souvent sur des dons de la part de villes ou d’armateurs, malgré un système de recrutement de marins assez contraignant et efficace. L’atout de ce livre est de ne jamais séparer la marine militaire de la marine marchande ni des infrastructures portuaires et commerciales qui financent et maintiennent ses navires. Ce faisant, cette étude dépasse l’histoire militaire, en particulier en traitant du cabotage entre ports français et des échanges transatlantiques, et est mobilisable pour étudier la mer dans la France du xviiie siècle.

Fayard, 2021
320 p. 24 €

Louis Andrieu

Cinéphile, il écrit sur le cinéma, les contenus audiovisuel et les images dans la Revue Esprit depuis 2013.

Dans le même numéro

Patrimoines contestés

Depuis la vague de déboulonnage des statues qui a suivi l’assassinat de George Floyd, en mai 2020, la mémoire et le patrimoine sont redevenus, de manière toujours plus évidente, des terrains de contestation politique. Inscrire ces appropriations de l’espace urbain dans un contexte élargi permet d’en comprendre plus précisément la portée : des manifestations moins médiatisées, comme l’arrachement de la statue d’un empereur éthiopien en Grande-Bretagne, ou touchant à des strates d’histoire inattendues, comme la gestion de la statuaire soviétique, participent d’une même volonté de contester un ordre en dégradant ses symboles. Alors qu’une immense statue célébrant l’amitié russo-ukrainienne vient d’être démontée à Kiev, le dossier de ce numéro, coordonné par Anne Lafont, choisit de prendre au sérieux cette nouvelle forme de contestation, et montre que les rapports souvent passionnés que les sociétés entretiennent avec leur patrimoine ne sont jamais sans lien avec leur expérience du conflit. À lire aussi dans ce numéro : l’histoire, oubli de l’inconscient ?, le prix de l’ordre, pour une histoire européenne, les femmes dans l’Église, les réfugiés d’Ukraine et nos mélancolies secrètes.