
Des vaisseaux et des hommes. La marine de Louis XV et Louis XVI de Patrick Villiers
Dans L’Empire des Français (Seuil, 2012), Aurélien Lignereux revenait sur le cliché d’une marine française structurellement faible comme cause de la chute inéluctable de Bonaparte. L’ouvrage de Patrick Villiers peut ainsi se lire comme l’histoire au long cours de cet impensé : les chiffres budgétaires qu’il expose montrent clairement la priorisation de l’armée de terre tout au long du xviiie siècle, dans un contexte où, devant la supériorité numérique flagrante de la Royal Navy, « il est inutile d’avoir la deuxième marine du monde ». Les lecteurs s’amuseront des propos critiques proférés par les commandants des vaisseaux français au xviiie siècle. Le paradoxe est que ce fut cette arme historiquement moins développée qui permit la victoire des insurgés américains dans la guerre d’indépendance, grâce à la bataille de la baie de Chesapeake (1781), que l’auteur narre en détail. Les pages sur l’organisation de la marine française à travers le xviiie siècle sont notables pour la comparaison avec le modèle britannique dans le même temps, où un parti belliciste et « promaritime » existait à la Chambre des communes et où une importante marge de manœuvre était laissée aux amiraux. A contrario, le financement des vaisseaux en France apparaît plus volontariste, reposant souvent sur des dons de la part de villes ou d’armateurs, malgré un système de recrutement de marins assez contraignant et efficace. L’atout de ce livre est de ne jamais séparer la marine militaire de la marine marchande ni des infrastructures portuaires et commerciales qui financent et maintiennent ses navires. Ce faisant, cette étude dépasse l’histoire militaire, en particulier en traitant du cabotage entre ports français et des échanges transatlantiques, et est mobilisable pour étudier la mer dans la France du xviiie siècle.