
La Laïcité de Philippe Raynaud
Objet de débats retentissants et d’emballements médiatiques à répétition, la laïcité mérite d’être défendue mais surtout d’être mieux comprise. Pour cela, il faut observer à la fois l’émergence de l’idée de séparation des Églises et de l’État, la naissance et l’évolution du texte de loi qui régit les relations des cultes aux autorités publiques, mais aussi les contextes historiques et politiques qui façonnent les attitudes des acteurs (camp laïque, Église catholique…) et leur position par rapport aux conflits hérités. Philippe Raynaud déroule ici cette histoire dans la longue durée depuis les guerres de religion jusqu’aux querelles récentes, lesquelles sont moins liées à la gestion du culte qu’à la nouvelle visibilité publique des religions, en particulier de l’islam. Le parcours historique est d’autant plus éclairant que le débat contemporain sur la laïcité donne une curieuse impression de dédoublement : tout le monde s’en réclame, ce qui montre que la laïcité est bien devenue un article majeur de notre contrat politique et social, mais tout le monde craint son affaiblissement ou son dévoiement, comme si le point d’équilibre actuel était sur le point de se rompre. C’est que la laïcité, née d’une nécessité politique de dépasser les querelles religieuses, est liée pour nous à l’affirmation de l’autorité de l’État. Celle-ci, cependant, ne s’est pas imposée d’un geste péremptoire, mais au terme de compromis et de réinterprétations qu’il est passionnant de suivre dans le détail par exemple à propos de la querelle scolaire. Le recul historique auquel nous invite Philippe Raynaud nous permet de relativiser les tensions actuelles, qui montrent à la fois la permanence du problème théologico-politique (qui n’est pas propre à l’islam), la force des outils juridiques permettant de régler les questions liées à la pratique du culte à l’échelle des associations cultuelles dans le cadre de la loi de 1905 et le renouvellement d’une laïcité militante, qui n’a pas disparu avec l’apaisement des relations entre la République et l’Église catholique.