
Le reniement démocratique de Gilles Dorronsoro
Le politiste Gilles Dorronsoro, connu pour ses travaux sur les relations internationales, s’attaque ici au néolibéralisme, entendu avec Foucault comme une gouvernementalité plutôt qu’une idéologie ou qu’une théorie économique. L’ouvrage ne cherche pas à apporter des conclusions nouvelles : sa force est de rassembler les travaux menés dans ce champ et d’aborder les différents aspects de l’expérience néolibérale. Ainsi sont liées les inégalités socio-économiques et les discriminations de genre ou d’origine ethnique, les pratiques et leurs discours de justification, les politiques publiques et l’expérience intime ou personnelle. Contre les idées fausses les plus intégrées et des discours tirés de la vie politico-médiatique ou intellectuelle française, l’argumentaire est riche en données scientifiques, à la pointe de l’épistémologie en sciences sociales. Il brosse un tableau large des crises qui touchent nos systèmes politiques et sociaux, avec le néolibéralisme qui domine depuis les années 1980 comme principale cause. On pourra néanmoins juger ces liens distendus et ce néolibéralisme fourre-tout. Y a-t-il une pensée dominante au pouvoir qui, tout à la fois, produit et justifie une stratification sociale sur autant de critères que le statut économique, le genre, l’origine ethnique, de même qu’elle reconfigure l’État en grande entreprise, au service du marché et de son élite plutôt que du bien commun ? Il n’empêche que la charge, synthétique et accessible, est particulièrement apte à nourrir le débat citoyen.