
S'engager ? d'Albert Camus et Michel Vinaver
Correspondance (1946-1957) assortie d’autres documents
Ces trente-six lettres échangées entre 1946 et 1957 sont la conséquence d’une rencontre à New York en 1946 : le jeune Michel Vinaver a alors dix-neuf ans, il est exilé aux États-Unis avec sa famille juive et prend contact avec Albert Camus après la conférence qu’il a prononcée sur « La crise de l’homme ». Comme Vinaver et Camus abordent dans ces lettres le thème sartrien de l’engagement des écrivains, le premier prend fermement ses distances avec l’idée qu’il faut faire passer des messages et manifeste son refus du théâtre d’idées à la Camus (il dit nettement qu’il n’aime pas les Justes). C’est l’occasion de réflexions sur l’écriture « indistincte », celle que Vinaver a toujours pratiquée dans ses romans et son théâtre. L’éditeur de ces lettres, qui prépare une thèse sur Vinaver, pense que ce dernier a écrit le théâtre que Camus aurait aimé écrire. Quoi qu’il en soit du théâtre de Camus auquel Vinaver préfère les récits et les romans (particulièrement la Chute), le théâtre de Vinaver occupe les scènes depuis les années 1970 et connaît un regain d’actualité fort mérité avec la crise du capitalisme en 2008. Sans vouloir passer de messages, il a bien vu venir celle-ci depuis des lustres et n’a pas raté les combats du moment (les Coréens vise la guerre de Corée, les Huissiers la guerre d’Algérie, et Par-dessus bord le capitalisme). En cela réside la conception paradoxale de l’engagement qu’il préconise dans son théâtre : s’engager en embrassant le réel à la Tchekhov, en faisant passer une ambiance et non pas en allumant les feux aveuglants d’une idéologie.