
Œuvre poétique complète, t. I. Aux voyageurs de la Grande Ourse de Claude-Henri Rocquet
Trois ans après le décès de Claude-Henri Rocquet, cettte Œuvre poétique complète permet d’apprécier la diversité et la richesse du travail de ce poète mal connu, du fragment au carnet de voyage, en passant par les dialogues fictifs et les odes à la nature et au divin. Le poète est fasciné par la minéralité, par la « durante dureté » de roches infaillibles, qui contraste avec la fragilité de l’homme, « fétu » (brindille) soumis au passage du temps et sans cesse menacé par le monde : « Le temps passe et m’emporte, et vous laisse », dit le poète, amer, aux roches éternelles. La voix poétique se heurte au mutisme du ciel : « Ciel, ciel, qui ne parlera jamais en face », ravivant la lucidité tragique de Hugo dans Les Contemplations (« Rien ne répond dans l’éther taciturne »). Pourtant, le poète n’abdique pas sa foi et fait de sa poésie le lieu d’une invitation à la confiance en un Tout bienveillant qui ranimera les esprits après que les corps se seront « disloqués ». Plus encore, Rocquet souhaite passer de la pesanteur du corps à la légèreté du cœur et à l’allégresse du souffle : « Pierre, change ton cœur de pierre/en cœur de chair/ Change ton cœur de vent/ en cœur de souffle et de sang. » Il n’hésite pas à réécrire des fragments de L’Odyssée, ou à insérer dans ses vers des motifs et des figures bibliques. Dans Le Village transparent, son dernier recueil, le lecteur découvre un homme paisible, au crépuscule de sa vie, qui rend grâce à ce qui est : « Qu’un oiseau rouge dans l’aube/ entre et se repose/ un instant parmi les livres/ Valut la peine de vivre. »