
La danse du cratérope écaillé. Naissance d’une théorie éthologique de Vinciane Despret
Préface d’Isabelle Stengers
Le titre du livre de Vinciane Despret suscite la curiosité. Qui sont, pour commencer, les cratéropes écaillés ? Des oiseaux qui vivent dans le désert du Néguev et qui ont la particularité d’avoir une danse au cours de laquelle chacun des participants cherche à se placer au milieu des autres. Cette danse a retenu l’attention des éthologues, dont Amotz Zahavi et son équipe, qui ont passé des années à observer le cratérope et à essayer d’interpréter ses comportements. Mais si le cratérope a bien des choses à nous dire, les chercheurs ont, eux aussi, bien des choses à dire de lui. Tout autant qu’au cratérope lui-même, le livre de Vinciane Despret est ainsi consacré aux discours sur le cratérope, à leur lieu d’origine et leurs motivations, conscientes ou non.
Le cratérope représente un cas d’altruisme atypique pour qui l’observe : c’est le dominant qui donne de la nourriture au dominé et il se fâche lorsque c’est l’inverse qui se produit. Une autre singularité est leur fameuse danse, par laquelle les cratéropes se mettent en danger, a priori inutilement, puisque leur ballet a lieu dans un endroit généralement non couvert, au lever du jour, alors qu’ils ont des difficultés à voir dans la pénombre. Ils deviennent ainsi une proie facile pour des prédateurs. Selon Amotz Zahavi, toutefois, la danse des cratéropes poursuit bien un but : la recherche du prestige auprès des femelles. Un comportement qui va à l’encontre des intérêts des cratéropes est ainsi réinterprété