
Personne ne sort les fusils de Sandra Lucbert
Le point de départ de cette histoire, dans la compagnie de la fiction, est le procès des dirigeants de France Télécom. Ce procès est un faux-semblant, parce que la plupart des faits sont prescrits et que les dirigeants ne sont pas jugés pour les suicides de leurs employés, mais pour leur méthode de management. Néanmoins, le procès révèle un certain nombre de traits de notre monde mortifère, une « mécanique sociale » et, de manière plus insidieuse encore, la Langue du capitalisme néolibéral (LCN, d’après Klemperer). Il n’a donc pas de valeur pour la justice, mais il en garde pour la littérature. Sandra Lucbert caractérise sa position dans la langue : « Je parle la langue collective, mais contestée par une cacophonie intérieure », celle qui vient de la pratique de la littérature de Kafka (La Colonie pénitentiaire), de Rabelais ou encore de Melville (Bartleby). La littérature permet en effet de mettre à nu la violence de la machine, dans une magistrale et brève critique de l’économie politique qui dénonce « la souveraineté des flux et le travail débarrassé du travailleur ». Cette chronique de l’âge liquide est ainsi une révolte de l’intelligence littéraire.