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Notes de lecture

Dans le même numéro

La sterne rouge d'Antonythasan Jesuthasan

Trad. par Léticia Ibanez

juin 2022

Né en 1967 au Sri Lanka, Antonythasan Jesuthasan, alias Sobasakhti, s’engage adolescent dans le mouvement indépendantiste des Tigres tamouls, fondé en 1976 et visant à l’autonomie de l’Eelam, où vivent majoritairement les Tamouls. Puis, il vit à Hong Kong et en Thaïlande, avant de rejoindre clandestinement la France. Là (il réside à Sevran), il se débrouille tant bien que mal pour survivre, commence à écrire et, en 2011, devient acteur pour un film tamoul, puis en 2015 tourne Dheepan de Jacques Audiard et obtient le César du meilleur acteur. Depuis, il ne cesse d’être sollicité par le septième art, tout en publiant des romans.

La Sterne rouge est un captivant roman épique, qui retrace à grands traits l’histoire du Sri Lanka et décrit les innombrables discriminations que subissent les Tamouls, à commencer par l’éradication de leur langue, au profit du cingalais. En arrière-fond se déroule le drame des Tigres tamouls, jusqu’à leur quasi-massacre de 2009 par les troupes gouvernementales.

Plusieurs courts récits biographiques s’entremêlent pour donner corps à celui du personnage principal, Ala, jeune fille qui rejoint la guérilla tamoule, est amoureuse du général, prépare un attentat-suicide, est arrêtée, violée, torturée, condamnée à trois cents ans d’emprisonnement, sauvée par une association caritative internationale qui obtient sa grâce, se marie avec un Tamoul exilé qui perpétue le combat via une radio qui émet en tamoul ; il se révèle brutal et autoritaire, la frappe et l’enferme. Elle met au monde un garçon, ce qui n’améliore en rien sa condition de prisonnière infantilisée…

Je ne raconte pas la fin, ou plus exactement les fins que suggère l’auteur avec brio. Le lecteur est pris dès les premières pages et ne lâche le livre, bouleversé, qu’avec regret, tant le ton, l’écriture et la construction sont maîtrisés. Il va sans dire que la traduction s’avère remarquable. Le destin de cette jeune femme est incroyable : une famille aimante mais pauvre et divisée (père absent, grand-père harceleur…) ; les humiliations régulières tant au village qu’à l’école ; la vie frugale dans le maquis ; quant à la prison, on ne peut imaginer pire… Pourtant, il se dégage de cette histoire une incontestable force, celle de l’engagement de l’héroïne qui, malgré ce qui l’accable, ne perd jamais espoir.

Zulma, 2022
320 p. 22,50 €

Thierry Paquot

Philosophe, professeur à l'Institut d'urbanisme de Paris, il est spécialiste des questions urbaines et architecturales, et participe activement au débat sur la ville et ses transformations actuelles. Thierry Paquot a beaucoup contribué à diffuser l'oeuvre d'Ivan Illich en France (voir sa préface à Ivan Illich, La Découverte, 2012), et poursuit ses explorations philosophiques du lien entre nature,…

Dans le même numéro

La démocratie des communs

Les « communs », dans leur dimension théorique et pratique, sont devenus une notion incontournable pour concevoir des alternatives à l’exclusion propriétaire et étatique. Opposés à la privatisation de certaines ressources considérées comme collectives, ceux qui défendent leur emploi ne se positionnent pas pour autant en faveur d’un retour à la propriété publique, mais proposent de repenser la notion d’intérêt général sous l’angle de l’autogouvernement et de la coopération. Ce faisant, ils espèrent dépasser certaines apories relatives à la logique propriétaire (définie non plus comme le droit absolu d’une personne sur une chose, mais comme un faisceau de droits), et concevoir des formes de démocratisation de l’économie. Le dossier de ce numéro, coordonné par Édouard Jourdain, tâchera de montrer qu’une approche par les communs de la démocratie serait susceptible d’en renouveler à la fois la théorie et la pratique, en dépassant les clivages traditionnels du public et du privé, ou de l’État et de la société.