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Notes de lecture

Dans le même numéro

La tâche de l’architecte de Franco Mancuso

Trad. par Christophe et Esther Carraud

novembre 2022

Franco Mancuso nous apprend à approcher la partie lisible et sensible de la ville comme celle plus cachée et souvent insaisissable, toujours avec la conviction que plus la ville se développe de façon organique et plus elle sera compréhensible pour ses habitants, leur permettant d’y découvrir et déployer des modes de vie simples et directs.

Les Éditions Conférence publient un riche volume réunissant des articles et interventions de l’architecte et urbaniste italien Franco Mancuso. Formé dans les années 1957-1963 à l’Institut universitaire d’architecture de Venise, l’auteur consacre une étude à l’évolution des enseignements qui y sont dispensés ainsi que sur les figures qui façonnent sa conception de la ville européenne moderne. Ainsi s’organise plus d’un demi-siècle de réflexions, nourries d’une expérience professionnelle ouverte sur les différentes cultures aux origines des grandes villes, aujourd’hui mondialisées, et d’un enseignement attentif au développement organique de la ville au cours de son histoire, mettant ainsi en lumière les moments où cet équilibre organique est menacé ou rompu. S’il est question, entre autres, de Barcelone, de Tokyo, de Séoul ou encore de Jérusalem et de la ville du Cap en Afrique du Sud, pour Franco Mancuso, la leçon fondatrice reste celle enseignée par sa ville natale : Venise, la Sérénissime.

La première section du livre, intitulée « Entre architecture et urbanisme », s’ouvre par un remarquable article sur « le zonage », le découpage administratif de l’espace. Dès son apparition en Allemagne à la fin du xixe siècle, cette technique est immédiatement promue comme un modèle de rationalité de la ville aux États-Unis, puis en Angleterre et en Europe jusqu’en Russie. Le plan d’urbanisme devient alors l’élément déterminant, agissant « sur le tissu social et économique de la ville », pour ensuite faire apparaître sur les cartes « une caractérisation sociale pointilliste ». Mais il faut une autre lecture pour comprendre certaines villes d’Afrique ou d’Asie. Les exemples de Séoul et surtout de Kyongju mettent en évidence une ville ancienne, puissante et riche, quasiment disparue, dont il ne reste que quelques monuments épars (temples, pagodes, grottes, statues, mais aussi jardins). « Des ouvrages qui sont immergés dans le paysage plus qu’ils ne le dominent, comme éléments essentiels de l’environnement naturel », font ainsi de Kyongju « une ville cachée unique au monde ».

Ces réflexions sont menées avec patience et pugnacité contre « les valeurs formalistes et abstraites, accessoires et autoréférentielles » d’une certaine architecture moderne. Franco Mancuso nous apprend à approcher la partie lisible et sensible de la ville comme celle plus cachée et souvent insaisissable, toujours avec la conviction que plus la ville se développe de façon organique et plus elle sera compréhensible pour ses habitants, leur permettant d’y découvrir et déployer des modes de vie simples et directs. L’architecte sait nous faire partager ses découvertes urbaines généreuses, rappelant au passage une remarque de son collègue japonais Fumihiko Maki : « La création en architecture, c’est découvrir, pas inventer. »

Éditions Conférence, 2022
864 p. 39 €

Thierry Vilpou

Dans le même numéro

Chine : la crispation totalitaire

Le xxe Congrès du PCC,  qui s'est tenu en octobre 2022, a confirmé le caractère totalitaire de la Chine de Xi Jinping. Donnant à voir le pouvoir sans partage de son dictateur, l’omniprésence et l'omnipotence d'un parti désormais unifié et la persistance de ses ambitions globales, il marque l’entrée dans une période d'hubris et de crispation où les ressorts de l'adaptation du régime, jusque-là garants de sa pérennité, sont remis en cause. On observe un décalage croissant entre l’ambition de toute-puissance, les concepts-clés du régime et le pays réel, en proie au ralentissement économique. Le dossier de novembre, coordonné par la politologue Chloé Froissart, pointe ces contradictions : en apparence, le Parti n’a jamais été aussi puissant et sûr de lui-même, mais en coulisse, il se trouve menacé d’atrophie par le manque de remontée de l’information, la demande de loyauté inconditionnelle des cadres, et par l’obsession de Xi d’éradiquer plutôt que de fédérer les différents courants en son sein. Des failles qui risquent de le rendre d'autant plus belliqueux à l'égard de Taiwan. À lire aussi dans ce numéro : Le droit comme œuvre d’art ; Iran : Femme, vie, liberté ; Entre naissance et mort, la vie en passage ; En traduisant Biagio Marin ; et Esprit au Portugal.