
Castorf exalte le Bajazet de Racine avec Artaud !
Bajazet n’est plus simplement une turquerie somptueuse et tragique que l’on pourrait regarder avec distanciation, mais une grenade dégoupillée qui libère les puissances de l’être contre tous les ordres établis.
La mise en scène de Bajazet par Frank Castorf devait être l’un des points forts du Festival d’automne de Paris. Présentée à la MC93 de Bobigny, elle a tenu ses promesses : le metteur en scène allemand divise toujours autant par sa radicalité, sa quête d’un théâtre de l’intranquillité, du dérangement, de l’électrochoc. Son nouvel opus ne met pas une goutte d’eau dans l’alcool fort qu’il aime servir aux spectateurs. Ceux qui sont familiers des nourritures culturelles aussi épicées que roboratives (près de quatre heures au total !) ne sont pas déçus. Mais une partie du public s’avoue vaincue à l’entracte et bat en retraite… À tort, cependant, parce que la suite conforte ceux qui sont restés en se disant que la fin offrirait peut-être une éclaircie. De fait, sans être vraiment plus calme et plus rassurante, elle éclaire la profondeur des sentiments, des attentes, des passions qui emportent les personnages pris au piège d’un pouvoir pervers qui a en quelque sorte programmé de loin la catastrophe, au nom de ses intérêts supérieurs. Du chaos construit par le metteur en scène émerge une vertigineuse humanité – vertigineuse parce que tragique.
Fallait-il to