
Enjeux d’une justice de l’intime
La dénonciation croissante, au cours des dernières années, des violences à caractère sexuel a sommé la justice d’intervenir dans une sphère qui lui était jusqu’ici étrangère : celle de l’intime. Comment réinventer l’institution pour répondre à cette demande sociale, qui se fait de plus en plus pressante ?
On a vu surgir ces dernières années des mouvements sociaux d’un type nouveau – la vague #MeToo en est le prototype – qui ont bouleversé le paysage politique en mettant la dénonciation des violences sexuelles au cœur du débat public. Ceux-ci nous laissent perplexes tant ils bouleversent des catégories de jugement bien établies. Progressistes, ces mouvements le sont assurément en contestant l’ordre établi. Mais ils présentent également des aspects régressifs, en risquant d’instaurer un nouvel ordre moral à travers le politiquement correct ou de faire monter la pression sociale par le biais de campagnes de disqualification d’une personne sur les réseaux sociaux (cancel culture). Ils contournent les institutions, notamment la justice, mais également des principes aussi essentiels que la présomption d’innocence, la prescription ou les droits de la défense.
Pour la majeure partie de ces mouvements, l’intervention de la justice apparaît inadaptée car jugée « patriarcale » et « verticale », ajoutant du traumatisme au traumatisme1. Le jugement est sévère, et en partie justifié, mais par quoi la remplacer ? Jamais, semble-t-il, la demande de justice n’a été aussi forte, mais jamais non plus le crédit du droit et des institutions n’a été aussi faible. Comment surmonter cette contradiction ? Certainement pas par un retour à l’ordre ancien, mais plutôt en imaginant des institutions intégrant la transfor