
La lueur de la vérité
Le cinéma américain des années 1970 montre des héros qui dénoncent des complots. Dans les années 1980, c’est le cinéma qui se fait lanceur d’alerte. L’avenir est sans doute dans les films documentaires.
Chaque époque a ses figures privilégiées du rapport à la vérité : du faussaire qui prospère sur les « puissances du faux » théorisées par Nietzsche à la fin du xixe siècle au témoin post-Seconde Guerre mondiale sur lequel repose la compréhension de l’horreur. Le lanceur d’alerte est assurément une figure-clé de notre époque, incarnée dans quantité d’œuvres cinématographiques métabolisant les tensions socio-politiques des démocraties. Elle a fleuri dans les années 1970 aux États-Unis, sur les décombres de la confiance accordée à l’État et aux institutions, puis explosé mondialement avec les nouvelles technologies de communication au xxie siècle. Ce personnage contemporain s’acharne, souvent seul, à révéler des scandales, des vérités cachées ou quelque complot ourdi dans l’ombre de systèmes opaques. Représenté sur les écrans comme une figure tour à tour héroïque, tragique ou ambivalente, il s’apparente tantôt à David terrassant Goliath, tantôt à Don Quichotte luttant contre des moulins à vent, quand il ne réactive pas le mythe de Cassandre, condamnée à prédire sans jamais être crue, ou celui de Sisyphe, contraint à un éternel recommencement. Enfants d’un système démocratique reposant sur la liberté d’information, les lanceurs d’alerte seraient aussi et surtout des lucioles, lueurs survivantes des contre-pouvoirs qui défient les puissants[1].