
L'Algérie passée des manifestations
Le passé convoqué par les manifestants est presque exclusivement celui de la guerre d’indépendance, dont la démocratie et le pluralisme font singulièrement défaut et au cours duquel les militaires ont rapidement pris le pouvoir. La volonté d’indépendance n’allait en effet pas forcément avec l’esprit de liberté, qui s’est plutôt manifesté lors de la transition démocratique (1988-1992).
Les mouvements sociaux et politiques s’établissent souvent en référence au passé, qu’ils réactualisent. S’ils constituent des ruptures avec l’ordre établi, ils s’inscrivent dans une continuité historique et une mémoire collective qui leur confèrent un sens et une légitimité. Ils font notamment écho, aussitôt qu’ils surgissent, aussi imprévisibles ou inattendus soient-ils, à d’autres mouvements qui les ont précédés.
Les Algériens qui manifestent depuis le 22 février ont d’abord demandé le départ d’Abdelaziz Bouteflika (« Non au cinquième mandat »). Puis, une fois ce dernier écarté, un changement en profondeur. « Départ des trois B, pas de dialogue avec le gang[1] », « Système dégage », disent les slogans. Les manifestants ne veulent pas de la reconduction du régime avec une nouvelle tête cooptée par les chefs de l’armée au moyen d’une élection prévue le 4 juillet, mais réclament l’élection d’une assemblée constituante destinée à donner des institutions à une seconde république algérienne. Dans ce contexte, le passé est convoqué par les manifestants. Mais pas n’importe quel passé. Presque exclusivement celui de la guerre d’indépendance qualifiée de « révolution » en Algérie : le 1er novembre 1954, l’indépendance en 1962, les figures de