
Lettre à Franco
Par la description d’individus luttant contre l’esprit de groupe et l’anti-intellectualisme, Alejandro Amenábar signe en même temps la critique audacieuse d’une certaine mauvaise conscience dans l’identité nationale espagnole.
Lettre à Franco – dont le titre original, Mientras dure la guerra (« Tant que durera la guerre »), fait référence à une formule du Conseil de défense nationale (Junta de Defensa Nacional) confiant le commandement militaire et politique à Franco, acte instituant sa prise de pouvoir – déploie son récit vers un épisode célèbre de la guerre civile espagnole : le discours de Miguel de Unamuno (interprété par Karra Elejalde), le 12 octobre 1936, dans lequel l’intellectuel déclara à son public, franquiste : « Vous vaincrez, mais vous ne convaincrez pas. » Prolongeant thématiquement Agora (2010) dans l’œuvre d’Alejandro Amenábar, par la description d’individus luttant contre l’esprit de groupe et l’anti-intellectualisme, il signe en même temps la critique audacieuse d’une certaine mauvaise conscience dans l’identité nationale espagnole.
Le film commence et se clôt en effet par des plans de drapeaux espagnols ; celui de la Seconde République (1931-1939) au début, celui de la monarchie à la fin, dont les couleurs jaune et rouge furent reprises par le régime démocratique actuel, les deux comportant par ailleurs la devise nationale Plus ultra, issue de Charles Quint. La scène clé survient quand Franco (Santi Prego reproduit à la perfection son ton et son visage placides) fait arborer, à la fenêtre de son quartier général de Cáceres, ce drapeau « de toujours