
Les raisons de la colère
Les colères sont des garanties affectives contre la soumission apathique à l’ordre établi. Mais comment distinguer entre les colères saines et les exaspérations réactives ? Le critère ne réside pas dans leur objet, mais dans leur capacité à expliciter leurs raisons et à aspirer à une politique de l’amitié.
[La colère] est un mode de connaissance qui ne convient pas mal quand il s’agit du fondamental.
De la colère, on dit qu’elle « enfle », « monte » et finalement « déborde ». Les métaphores fluviales suggèrent que cette émotion se situe au carrefour de l’impuissance et du pouvoir. Semblable à une crue que rien n’arrête, la colère s’empare de nous sans que l’on puisse la maîtriser. Mais elle est aussi une force capable de transformer de fond en comble le paysage. Un individu « se met » en colère : même subi, ce sentiment ouvre la voie à une activité qui rompt avec l’apathie du quotidien. Passion active, la colère a reçu un traitement particulier de la part des moralistes. Sénèque en condamne les excès tout en y voyant le propre des « rois » qui n’admettent pas que leur souveraineté puisse être remise en cause