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Mais qui rêve de Tony Parker à la station RER de la Plaine-Saint-Denis ?

Dans la nuit du jeudi 28 au vendredi 29 juin, un événement incroyable a eu lieu à la station Rer de la Plaine-Saint-Denis. En raison de l’incendie d’une roulotte sous l’un des ponts où passe la ligne B du Rer en direction de Roissy-Charles-de-Gaulle, il a fallu couper l’électricité pendant une grande partie de la nuit. Il était pourtant moins de minuit, mais un certain nombre de voyageurs sont restés bloqués durant plusieurs heures dans le wagon puis sur le quai de la station (une population hybride mélangeant personnel de la restauration rentrant après le travail et une chorale irlandaise qui s’est mise à chanter sur le quai, paraît-il !). Mais il faut bien voir ce « petit événement » dont on a peu parlé et qui n’a pas donné l’occasion au président Sarkozy de fouler enfin le sol de la banlieue proche. Voyons donc ! En effet, la Plaine-Saint-Denis est une station qui dessert le Grand Stade et le nouvel ensemble urbain qui se trouve à quelques minutes de la porte Saint-Denis, une entrée de Paris. On est en proche banlieue, à quelques minutes de la capitale et sur la route de Roissy, le grand hub mondial, mais il a été impossible de trouver des taxis et seuls deux malheureux autobus de la Ratp ont pu, au bout de plusieurs heures, se déplacer à la station. Pas de service secours dans cette connexion urbaine en cas d’alerte ! Et on laisse ainsi tomber des gens pendant des heures. Comment cela est-il possible à l’heure où Sarkozy prétend résoudre à peu près tous les problèmes et entendre toutes les complaintes légitimes ? Mais celle-ci l’était-elle ? Qui traîne à la Plaine-Saint-Denis dans le Rer « B » – le pire selon la Sncf – au début de la nuit ? Quant aux journalistes, ils ne se sont pas plus déplacés que les secours de la Ratp et de la Sncf. Mais il faut bien voir où est située la station la Plaine-Saint-Denis, ce qu’elle connecte. Comment imaginer que cela se passe sur la ligne qui conduit à l’aéroport Charles-de-Gaulle ? Mais ne nous faisons pas d’illusion, on n’a pas vu trop d’images de ces galériens de la nuit. Et on risque de ne pas trop en voir si l’on fait comme les Chiliens de Santiago du Chili qui ont construit une autoroute souterraine (ou bordée par de hauts murs empêchant de voir l’environnement immédiat) qui relie directement le centre-ville à l’aéroport moyennant péage. Il y a là un gros avantage : on ne voit plus la banlieue, ses poblaciones et bidonvilles ! Et l’on a même des chances d’être secourus plus vite.

Mais il y a d’autres façons de bloquer la ville et les réseaux de transport. On l’a vécu le samedi 8 juillet à l’occasion du mariage people de Monsieur le basketteur Tony Parker et de Madame Eva Longoria, une actrice de feuilleton célèbre (Desperate Housewives), dans l’église Saint-Germain-l’Auxerrois en face du Louvre et de sa cour carrée. La situation était ridicule, tout le centre de Paris bloqué en raison des foules attendues pour saluer les mariés de l’année. Mais pas de chance, en raison d’un contrat d’exclusivité photo avec un magazine américain, des rideaux cachaient les mariés à la sortie de l’église. Quand on veut voir, on ne voit rien car il est interdit de prendre des photos. Incroyables ces people !

Dans les deux cas, on n’a rien vu et tout était bloqué. Mais il faut distinguer ceux qui attendent des heures pour voir des stars people et ceux qui sont obligés de dormir sur un quai de gare à quelques centaines de mètres de Paris. Si Tony Parker s’était trouvé à la Plaine-Saint-Denis cette fameuse nuit du 28 au 29 juin, il aurait pu faire de l’animation avec des jeunes pendant que ceux-ci l’auraient pris en photo avec son ballon de basket. Incroyable, à l’heure du sarkozysme où « tout doit baigner », les choses ne se passent pas vraiment comme on aimerait, ni dans la proche banlieue, ni dans le Paris gentrifié. Allez, circulez, il n’y a rien à voir. Ni les galériens de la nuit, ni les stars. Que l’on soit à Saint-Denis, à Saint-Germain-l’Auxerrois ou avenue Montaigne, c’est pareil pour tout le monde, ce sont les choses de la vie. C’est cela, l’ambiance people !

P. S. Depuis les événements fâcheux de la Plaine-Saint-Denis, les responsables des transports d’Île-de-France ont créé un service d’urgence pour remédier à une telle incurie. Par ailleurs, on sait qu’une ligne express (de type Orlyval) reliera directement Roissy-Cdg et Paris intra-muros.

Olivier Mongin

Directeur de la revue Esprit de 1989 à 2012. Marqué par des penseurs comme Michel de Certeau, qui le pousse à se confronter au structuralisme et l'initie aux problématiques de la ville et aux pratiques urbaines, Claude Lefort et Cornelius Castoriadis, les animateurs du mouvement Socialisme ou Barbarie, qui lui donnent les outils à la fois politiques et philosophiques de la lutte anti-totalitaire,…

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