
Ce pays des hommes sans Dieu de Jean-Marie Rouart
Jean-Marie Rouart n’est pas seulement romancier, il est aussi un commentateur très libre de la vie du monde. Dans ce nouvel essai, il se demande si l’héritage chrétien de la France est en train de sombrer et évalue une possible concurrence avec l’islam, qui a le vent en poupe.
Jean-Marie Rouart commence par évoquer son éducation chrétienne, se souvient des cérémonies religieuses qui nourrissaient tant son imagination dans son enfance. S’il perd la foi assez tôt, il convient qu’il a été marqué par cette tradition et qu’il a probablement cherché dans l’art une compensation : « La pratique de l’art m’apparut comme le canal de dérivation d’une foi perdue. » Il ne peut s’empêcher d’être malheureux, aujourd’hui, lorsqu’il voit la religion de son enfance disparaître peu à peu, au profit d’un islam conquérant. Mais cela ne l’empêche pas d’admettre que l’islam possède une très haute « spiritualité », « dont la part la plus connue est le soufisme ». Et Rouart de citer les représentants français les plus admirables des études islamiques, comme Louis Massignon ou René Guénon.
Inspiré par Renan, il se dresse en défenseur tolérant mais vigoureux des valeurs chrétiennes de la France. « Ce qui me désole, c’est notre peu d’attachement à ce socle fondateur dont la disparition progressive risque d’ouvrir la porte à une autre aventure moins riche et moins glorieuse. Ou, qui sait, à l’islam ? » Voici donc Jean-Marie Rouart qui regarde du côté de Houellebecq, celui de Soumission.
Pour donner du recul à sa réflexion, Jean-Marie Rouart revient sur les grandes articulations de notre histoire nationale, du baptême de Clovis jusqu’au Concordat, de la Révolution jusqu’à la loi sur la laïcité de 1905. Il note d’ailleurs qu’il serait favorable à un nouveau concordat, comme celui de 1801 – et ce n’est pas seulement sa passion pour Napoléon qui l’y incite. Il s’arrête également sur le concile Vatican II, dont de Gaulle avait dit à Jean Guitton qu’il était « l’événement majeur du xxe siècle » et dont l’auteur estime les conséquences désastreuses : « Le merveilleux chrétien s’estompe au profit d’un prosaïsme religieux et d’une austérité qui ôte la soutane aux prêtres pour qu’ils ne soient pas trop différents des autres hommes. » Il cite aussi le mot définitif de l’écrivain Julien Green, dans son Journal, qui affirmait : « L’Église romaine est devenue protestante. »
Pourtant, dans un contexte de déclin, Vatican II a apporté une modernisation appréciable, même si elle n’est pas parfaite, reléguant aux oubliettes de l’histoire certains excès dont la religion catholique s’était rendue coupable au fil des siècles. Il a permis, du moins en théorie, le retour des fidèles dans le giron de l’Église. En revanche, Jean-Marie Rouart a bien raison d’insister sur la nécessité d’une reconstruction, qui demandera beaucoup de courage. « La solution, nous ne pouvons la trouver qu’en nous-mêmes. Dans cet héritage religieux et culturel qui a assuré notre force. C’est ce legs qui est menacé. »
Jean-Marie Rouart tisse une réflexion d’essayiste et une méditation littéraire sur des questions importantes, et dont la plus redoutable est sans doute celle-ci : allons-nous pouvoir continuer à être des Français ? Ce pays des hommes sans Dieu apporte une contribution originale au débat, dans le contexte de la lutte contre le séparatisme engagée par le président Macron.