
Le Chant du poulet sous vide de Lucie Rico
Le Chant du poulet sous vide est le premier roman de Lucie Rico, qui écrit par ailleurs des scénarios et réalise des films. Dans sa fable écologique, la révolte sourde gronde, car l’avenir n’est pas dans les œufs. Sur les cerisiers parés de blanc, le rouge est mis, comme si leurs fruits allaient se gonfler de sang. Peu à peu, l’histoire tourne au conte fantastique et horrifique. Il n’est pas sans rappeler Truismes de Marie Darrieussecq, mais le cochon fait place aux poulettes. L’héroïne (Paule) a pour mission de les élever quand elle doit reprendre l’élevage maternel. Tentant de sauver ce qui peut l’être, elle est embrigadée dans une aventure que l’auteure construit « de la même manière que le marketing fabrique des contes, jusqu’à nous faire croire que les animaux que nous mangeons sont d’adorables bêtes, saines et dévouées, avec lesquelles nous avons une relation ». Pour autant, tout se gâte pour Paule qui, contrainte et forcée, exécute les volailles. En un acte de contrition, avant de les mettre à mort, elle les met en mots. Chaque poulet a droit à une biographie personnelle, quitte, pour l’héroïne, à oublier de s’occuper de son mari. Il ne lui vole pas pour autant dans les plumes. Néanmoins, ce n’est que partie remise, puisque les humains si peu humains se transforment en volatiles. Mais la fable ne prête pas au rire, car à mesure que l’héroïne avance, elle finit par perdre la tête, lorsqu’elle songe à un projet d’exploitation révolutionnaire afin d’améliorer l’existence des poulets. Le conte tourne à l’absurde : le monde est pris entre un désir carnassier et le besoin de l’effacer. S’en dégage une méditation profonde sur la race dite humaine, sans flatterie mais avec tendresse.