
Le Banquet annuel de la confrérie des fossoyeurs de Mathias Énard
Véritable capharnaüm narratif, le septième roman de Mathias Énard échappe à toute catégorisation. L’action est majoritairement circonscrite à un petit village imaginaire des Deux-Sèvres, la Pierre-Saint-Christophe, mélange de cité-dortoir invisible et d’irréductibles autochtones agriculteurs, pêcheurs, chasseurs. Ces derniers sont les récurrents consommateurs du dernier bar du village, le Café-Pêche, proposant du pastis, du viandox et surtout une large collection d’articles de pêche. L’auteur nous introduit dans ce petit monde par le prisme d’un nouvel arrivant, David Mazon, aspirant ethnologue qui souhaite rédiger sa thèse sur la vie d’un village ordinaire aujourd’hui. Le début du roman prend la forme d’un journal de bord, où les éléments descriptifs sont entrecoupés de remarques personnelles plus ou moins sérieuses. Au tiers du roman, le décor posé, le journal de bord s’interrompt brusquement. S’ensuit alors une succession de chansons et d’histoires où toutes les époques se mélangent. On suit la captivité fugace d’un Vendéen sous la Convention ou, plus loin, l’évocation d’un futur proche à l’écosystème dépéri. C’est que, dans le monde où l’auteur nous plonge, la métempsychose est reine. À sa mort, chaque âme se réincarne : en sanglier pour l’ancien curé du village, en blattes pour les âmes peu scrupuleuses ou en humains pour les plus chanceux. Tous les nouveau-nés oublient leurs anciennes personnalités sauf Arnaud, simplet à la mémoire des dates prodigieuse. Pour rendre