
Un versant l’autre d'Esther Tellermann
Psychanalyste et poète, Esther Tellermann publie un recueil dense où le lyrisme se veut lucide et discret, où les images détonnent et fusent, et où la voix cherche sans relâche à guérir de ses déchirures.
Les poèmes d’Esther Tellermann, brefs, fragmentaires, sont centrés au milieu de la page, cerclés par sa blancheur. L’absence presque complète de ponctuation et la disposition typographique des vers laissent au lecteur le soin de tisser ensemble les débris de cette parole énigmatique. Ainsi, les vers s’amoncellent, s’enchevêtrent les uns sur les autres pour former des îlots de paroles qui dérivent, perdus sur la mer du monde, que symbolise la page du livre. Parole en archipel, déchiquetée, émiettée : elle est faite de lambeaux. Chaque vers est comme un fil, duquel la voix-funambule chute en permanence, pour tomber à la ligne suivante, ne parvenant pas à trouver l’équilibre sur la corde tendue du Verbe : « Soudain je ne sus/ les routes/ et perdis/ l’arc-en-ciel/ votre/ regard-semence/ se retire/ assiège/ la source./ Vide/ écartèle/ l’autre côté. »
Esther Tellermann fait de sa voix une voyageuse à travers les âges. Ainsi oscille-t-elle entre le ressouvenir d’un monde passé (« À coups d’âme/ et de ciselures/ voulions des souvenirs »), le regret d’un réel non advenu (« ô/ aurions parcouru/ le vivant »), la célébration d’un présent illimité (« Avec vous, j’invente/ des rivages des fumées sur/ les crépuscules