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Notes de lecture

Dans le même numéro

Métope de Thanassis Hatzopoulos

Trad. par Alexandre Zotos et Véronique Briand

mars 2023

Deuils, infanticides et prophéties vouées à l’échec peuplent cet univers tout à la fois connu et d’une « inquiétante étrangeté »

L’œuvre poétique de Thanassis Hatzopoulos (par ailleurs psychanalyste et traducteur en grec de la poésie française contemporaine) commence à être bien accessible aux lecteurs français. Elle est en effet traduite à plusieurs reprises et souvent dans d’excellentes éditions bilingues. C’était déjà le cas avec Cellule qu’avait publié Cheyne éditeur ; ce l’est à nouveau avec Métope. L’ensemble est enrichi par de beaux lavis de Colette Deblé, ainsi que par une préface, des notes éclairant certaines références à la mythologie ou à la culture antiques et une postface de Claire Nancy. L’objet est beau, bien construit et agréable à lire. Mais ces brefs poèmes sont âpres. Ils puisent leurs motifs dans le cœur souvent noir des figures mythiques et tragiques de la Grèce antique et privilégient des femmes au destin funeste : Jocaste, Antigone, Médée, Clytemnestre, Cassandre… Deuils, infanticides et prophéties vouées à l’échec peuplent cet univers tout à la fois connu et d’une « inquiétante étrangeté ». Le titre, Métope, évoque ces panneaux courant sur le pourtour d’un temple entre l’entablement et le toit, où sont représentés figures ou épisodes mythologiques. Le lecteur avance d’une figure à l’autre, faisant des haltes multiples sur l’unité d’un chemin. Vers après vers, il entend revenir la vieille histoire tragique pleine de terreur et de pitié, comme si celle-ci, fanal obscur, ouvrait toujours sur une intelligence du présent, éclairant « ce triomphe de la dissension  » que réclament, voire instituent « l’insociable sociabilité » humaine et sa cité. La poésie affronte ainsi ce qui pourrait outrepasser la puissance de la parole, elle laisse remonter le magma qui affleure aux bords du « fragile vernis d’humanité  » de nos civilisations toujours précaires. Elle le fait sans complaisance, avec rigueur et sobriété, et même une sorte de méfiance pour tout excès facile, qui fait sa dignité : « Il se trouvera bien quelqu’un / Pour tendre une oreille attentive / Vers le puits de l’âme / Pour enrayer le verbe / Et ausculter la douleur / Broder sa peine avec des paroles étrangères. »

La Tête à l’envers, 2021
214 p. 21 €

Pascal Riou

Pascal Riou est un écrivain et poète français. Il a publié une dizaine de recueils chez Cheyne Éditeur où il fut, aux côtés de Marc Leymarios, le créateur et directeur de la collection « D’une voix l’autre », dévolue à la poésie étrangère contemporaine. Il participe par ailleurs depuis vingt ans aux activités de la revue littéraire Conférence et des Éditions du même nom.…

Dans le même numéro

Ukraine, an II

La guerre en Ukraine entre dans sa deuxième année. Pourtant, demeure l’inquiétante tentation de la tenir à distance, comme si les « vraies » guerres, celles qui engagent autant les régimes politiques que les sociétés, appartenaient seulement au passé. L’ambition de ce dossier, coordonné par Hamit Bozarslan et Anne-Lorraine Bujon, est à la fois d’interroger la nature et les formes précises de ce conflit, de l’affrontement interétatique classique à la guerre hybride, économique et technologique, et de rappeler que la cité démocratique doit se saisir et débattre de l’enjeu de la guerre, qui la concerne au premier chef. À lire aussi dans ce numéro : nos mythologies laïques, le récit de soi avec Ricœur, Pérou : l’hiver et le massacre, lire Mario Vargas Llosa, la révolution taoïste, et les derniers historiens païens.