
Bolivie, l’illusion écologiste de Dimitri de Boissieu
Le volontarisme écologiste est l’une des facettes du programme politique d’Evo Morales qui a contribué au rayonnement de la Bolivie après sa victoire électorale en 2005. Y a-t-il eu méprise ? Qu’en est-il quatorze ans après ? L’écologue Dimitri de Boissieu, qui a séjourné à plusieurs reprises dans le pays, rend compte de ses déconvenues en matière de préservation de l’environnement dans la Bolivie du « socialisme au xxie siècle », qui avait séduit des militants déçus par les gauches de gouvernement en Europe. L’ambition écologiste clamée n’a, en réalité, guère érodé la politique extractiviste, reprise et amplifiée par Morales. Le périple de l’auteur nous conduit de l’occident du pays (les Andes) vers l’est (l’Amazonie), en autant d’étapes qui rythment son émerveillement devant un écosystème bolivien d’une rare richesse et les désillusions liées aux promesses non tenues par des dirigeants prétendument progressistes. Bien informé, curieux, tenace, il explique que, partout dans les sites qu’il a visités (notamment les aires naturelles supposément protégées par la loi), la nature, sous couvert de culte rendu à la Pachamama (divinité pan-andine), est au mieux délaissée par le gouvernement, au pire, la cible de la logique développementaliste adoptée dès 2006 par Morales et le Mouvement vers le socialisme (MAS). Manquent vision stratégique à long terme, moyens humains, ressources financières pour convertir vraiment la Bolivie à la préservation de la nature. Les associations locales et les Ong environnementalistes étrangères sont malmenées par le régime, qui agite le spectre de l’« impérialisme yankee ». Mais les multinationales pétrolières et gazières pénètrent aisément dans les aires protégées, au mépris des populations natives, qui ne sont pas consultées comme le prévoit la Constitution bolivienne. L’enquête minutieuse et bien écrite de Dimitri de Boissieu est particulièrement utile en ces temps troublés en Bolivie. Elle dévoile l’imposture écologiste d’un régime autoritaire qui n’a jamais laissé d’instrumentaliser la revalorisation des cultures précolombiennes pour maquiller le volontarisme écologiste au service d’une ambition de pouvoir.