
À la rencontre de Chronos de François Hartog
[François Hartog] revisite ses écrits avec humilité, pour saisir ce qui les relie et ce faisant, règle ses dettes avec certains penseurs qui l’ont conduit à devenir ce qu’il est : Michel de Certeau, Jules Michelet, Charles Péguy et Pierre Vidal-Naquet.
François Hartog propose un court et passionnant ouvrage d’égo-histoire, dans lequel il tente de comprendre la « logique » de son parcours intellectuel. Il revisite ses écrits avec humilité, pour saisir ce qui les relie et ce faisant, règle ses dettes avec certains penseurs qui l’ont conduit à devenir ce qu’il est : Michel de Certeau, Jules Michelet, Charles Péguy et Pierre Vidal-Naquet, qui « se voulait un historien au bord extrême du présent, pas un prophète ». François Hartog n’est pas d’emblée un « guetteur du présent », puisqu’il arpente des temporalités lointaines, comme celle d’Homère. Jeune, il embarque « pour l’océan Indien, l’archipel malais et les îles du Pacifique », emportant dans son sac les écrits de Claude Lévi-Strauss et de Victor Segalen, ainsi que ceux de Marshall Sahlins, à qui est dédié son livre. Sa lecture de Reinhart Koselleck s’avère décisive : elle lui permet de saisir le temps comme un pluriel au sein duquel « le champ d’expérience » et « l’horizon d’attente » facilitent les articulations, qui constituent l’historicité. Quant au « régime », c’est « le régisseur du temps dans le drame toujours repris de l’histoire ». Avec Chateaubriand et Tocqueville, il a la confirmation que l’histoire se trouve bien entre deux régimes. Reste alors à appliquer le « régime d’historicité » au présent. Un séjour d’un an à Berlin en 1993, puis divers voyages dans la même ville, lui font comprendre comment est fabriqué ce « patchwork temporel » : « Ainsi, Berlin m’a permis de voir in situ et en acte comment coexistaient des temporalités juxtaposées, désaccordées, enchevêtrées et à quel point le régime d’historicité était une ressource pour rendre lisibles et visibles les transformations des expériences du temps sur plus d’un siècle d’histoire allemande. » François Hartog examine finalement le « présentisme » à partir de la spécificité du temps dans le christianisme. Dans l’anthropocène, l’urgence climatique bouscule les temporalités et instaure un nouveau futur. Quant à la pandémie de coronavirus, elle appelle une « cosmo-chronologie » – le thème d’un prochain livre ?