
La vie dans l’espace public de Jan Gehl et Birgitte Svarre
Nous connaissions déjà Pour une ville à l’échelle humaine (Écosociété, 2012), qui expliquait comment rendre une ville habitable, en réduisant la vitesse des automobiles et leurs emplacements, en évitant les gratte-ciel, en privilégiant la marche et le vélo, en attribuant la priorité aux espaces publics, bref en tenant compte des gens pour contribuer à leur mieux-être urbain. Avec ce guide pratique, les auteurs partent d’un constat : « Le cœur du problème réside dans l’interaction entre la vie et l’espace urbain sous tous ses aspects. » L’architecte danois et sa collaboratrice retracent l’historique de la préoccupation qualitative des lieux urbains (ce qui fait qu’un endroit est plus fréquenté qu’un autre), avant d’expliquer comment observer une rue, un boulevard, un parvis, selon les heures du jour et de la nuit, les jours de la semaine, les saisons, mais aussi selon l’âge et le genre. Cette observation permet le dénombrement, la représentation cartographique des données recueillies, le traçage, le pistage, la photographie, le journal de bord et la promenade d’essai. Les auteurs indiquent leur bibliothèque idéale, où ne figure aucun auteur français, pas même Françoise Choay : Camillo Sitte, Gordon Cullen, Jane Jacobs, William H. Whyte, Kevin Lynch, Robert Sommer, Christopher Alexander, Clare Cooper Marcus, Donald Appleyard, Peter Bosselmann, Allan Jacobs et bien sûr les études et publications de Jan Gehl et de sa femme, Ingrid, psychologue de l’espace. Tous les deux élaborent la notion d’« endroit où il fait bon vivre » et critiquent « la pauvreté de l’expérience sensorielle et l’échelle inhumaine des complexes immobiliers modernistes » dans Life Between Buildings (1971), traduit en vingt-deux langues, sauf le français. La santé, la sécurité et la qualité des espaces publics ne peuvent s’améliorer que si l’on met le mieux-être des citadins au cœur des projets urbains, associé à la préoccupation environnementale. Jan Gehl et Birgitte Svarre font état de leurs propres observations aussi bien sur les « bons endroits où se tenir » et « où s’asseoir », la marche, le chemin le plus court, les cinq sens, l’échelle, etc., avant de présenter plusieurs études de cas (Copenhague, New York, Sydney, Le Cap, etc.) et les photographies « avant » et « après » sont éloquentes et prouvent qu’il est possible d’améliorer un lieu sans dépenser beaucoup d’argent. La dernière phrase du livre en résume la philosophie : « Dans une ville digne de ce nom, tout tourne autour des gens. »