
Les Quichottes. Voix de la Laponie espagnole de Paco Cerdà
Trad. par Marielle Leroy
Paco Cerda enquête dans les territoires désolés du nord-est de l’Espagne, « comprenant Soria, Teruel, Guadalajara, Cuenca, Valence, Castello, Saragosse, Burgos, Ségovie et la Rioja ». Tous les villages y sont victimes d’un dépeuplement massif et irréversible, à la suite de l’exode rural, en particulier féminin, à la fermeture des rares activités industrielles, à l’abandon des services publics, au vieillissement de la population. Ce journal de bord décrit des paysages somptueux, sans âme humaine, que l’auteur n’idéalise pas, car il sait les difficultés à s’y maintenir, compte tenu du froid de l’hiver et de l’isolement permanent. De village en village, les rares témoins, septuagénaires et octogénaires, racontent la même histoire d’épuisement de la vie locale, qui est aussi un chant d’amour pour un pays où chacun, malgré tout, se sent bien. À Teruel, l’auteur fait la connaissance d’une jeune chercheuse qui a inventé la « démothanasie » pour désigner la mort de la population. À Silos, il s’entretient avec Moisés, un moine qui lui parle du silence et de la solitude : « C’est dans la froideur de la solitude que l’homme arrive au plus profond de lui-même. » Après dix jours à sillonner ce territoire où la vie s’efface, comme si elle se considérait de trop, le chroniqueur démontre que le capitalisme se désintéresse de tous les lieux et de tous les gens qui ne se plient pas à sa loi : consommer. À deux pas des zones urbanisées, cette Laponie espagnole révèle, de manière criante, la précarisation des territoires que génère un système économique, dorénavant globalisé.