
Pouvoir de détruire, pouvoir de créer de Murray Bookchin
Cette anthologie regroupe huit textes de Murray Bookchin (1921-2006), anarchiste américain, fondateur de l’écologie sociale et militant du municipalisme libertaire, publiés entre 1969 et 1995. Daniel Blanchard, qui a rencontré en 1968 Murray Bookchin et l’a depuis suivi de livre en livre, présente sa vie et son œuvre en insistant sur ses principaux apports : la théorie de la domination (de l’humain sur l’humain, de l’humain sur la nature…), sa conception du post-scarcity ou d’au-delà de la rareté, sa perception de la technique entendue comme un rapport social, sa conviction que l’écologie est le cœur du combat qui nous incombe pour édifier une « société écologique » ou « écotopie ». De quoi s’agit-il ? Daniel Blanchard nous l’indique : « Cette société écologique et libertaire, foncièrement égalitaire, est constituée de communautés largement autonomes pour ce qui est de leurs ressources, et de dimensions réduites, ajustées au plus près de leur environnement naturel et aux exigences de la démocratie directe. Ces communautés se fédèrent entre elles pour coopérer à la solution des problèmes qui se posent à plus vaste échelle. » Les textes rassemblés sont incroyablement prémonitoires, comme si l’auteur, après avoir amassé une remarquable documentation, souvent technique et institutionnelle, en saisissait l’« écologicité », c’est-à-dire la dimension écologique souvent ignorée, lorsqu’on parle de la prévision démographique, de la forme de l’urbanisation, des « progrès techniques », de nouveaux médicaments, etc. La démesure est souvent à l’origine de la crise environnementale, comme par exemple le gratte-ciel (le World Trade Center à New York consommait autant d’énergie électrique qu’une ville de 100 000 habitants !). Dès 1952, il dénonce les pesticides et les additifs alimentaires, toxiques pour la santé des humains, comme pour celle du monde vivant, des sols et des rivières et océans. Dès 1954, lors du test d’une bombe à hydrogène dans le Pacifique, il alerte l’opinion sur le danger de la radioactivité. Ses combats, ses analyses, visent à élaborer une « écologie sociale » qui repose sur une « éthique de la complémentarité ». Selon celle-ci, « les êtres humains utiliseraient leurs propres capacités pour devenir complémentaires des êtres non humains, afin de créer une totalité plus riche, créative et progressive ; ils n’y seraient pas l’espèce “dominante”, mais une espèce apportant aide et soutien ». Pour assurer la plus large autonomie des individus, il convient de réaliser une décentralisation des pouvoirs, d’où la création de communes, à la taille raisonnable et au sol municipalisé. Il est grand temps de populariser de telles idées…