
Les Iraniens dissimulés
Récit de voyage
Comment l’Iran s’est-il construit après la Révolution islamique ? De Téhéran à l’Iran central, les villes révèlent la richesse de la culture persane. Sous le poids des interdictions, leurs habitants, surtout les femmes, oscillent entre la dissimulation et la dissidence.
Fin octobre 2016, Téhéran s’embrase encore sous le soleil déclinant de l’après-midi. Quelques heures après mon arrivée, j’ai rendez-vous avec le cousin d’une amie iranienne. Elle vit à Genève et travaille dans les organisations internationales. Le cousin, ingénieur, est resté en Iran : il n’a pas emprunté les flux de l’exil vers l’Amérique ou vers l’Europe.
Le taxi m’attend devant l’hôtel Azadi, un des hôtels historiques de Téhéran. V. S. Naipaul y séjourna deux fois : en 1980, puis vingt ans après. Ce fut son camp de base pour entreprendre une longue exploration de la société iranienne pendant et après la révolution de 1979. Par ses deux essais iraniens, Naipaul constitue aussi pour le présent récit une sorte de point de départ, tant le prix Nobel de littérature est capable de montrer sous une forme expressive les lieux, le temps révolutionnaire, les gens en situation. Dans le premier essai, Crépuscule sur l’islam, il décrit un personnel de l’Azadi fier de ses étoiles hôtelières d’ancien régime, en transit de la révolution khomeiniste et fournisseur d’un service décati et décalé par le souffle révolutionnaire[1]. Trente ans après le séjour de Naipaul, fin 2016, le bureau de la réception est de nouveau à la hauteur des normes internationales. On m’a réservé un taxi et fixé le prix de la course en équivalent dollar. Le chauffeur dûment averti doit me conduire à une adresse précise qu’il devine plutôt qu’il ne