
L’ombre de l’Empire
Malgré la multiplication des crises globales, la campagne présidentielle se cantonne aux questions nationales, comme si la politique étrangère échappait au débat démocratique. Il est grand temps d’ouvrir ce domaine réservé, et d’associer les Français à des choix qui les concernent tous.
Quel sera le grand enjeu de l’élection présidentielle ? Les sondages tentent de cerner le trio de tête parmi les préoccupations (immigration, sécurité, climat…) mais nul n’en sait rien, car la France-cyclope ne voit que d’un œil : la scène politique n’est éclairée qu’à moitié et un pan entier en reste dans l’ombre. On ne débat que de ce qui se passe chez nous et jamais de ce qui concerne le monde. Malgré la mondialisation qui a restructuré les économies, malgré l’Europe qui encadre les politiques, malgré les virus qui parcourent le globe, malgré la crise climatique qui menace la planète, on circonscrit les débats aux questions nationales. La dimension planétaire, bien que déterminante, est systématiquement occultée. Est-ce en raison de ce demi-aveuglement que près de la moitié du corps électoral s’abstient désormais de voter ?
Dans tous les pays, la tentation des élites est de monopoliser les raisonnements transfrontières. Un sociologue anglo-saxon a même théorisé l’opposition entre la classe dirigeante mondialisée, qui serait de partout (anywhere), et le peuple qui, pour le meilleur et pour le pire, se sentirait de quelque part (somewhere)1. On peut se demander ce que vaut une telle prophétie autoréalisatrice. En France, une vaste construction fantasmatique et institutionnelle a édifié un mur entre la population et les enjeux de politique planétaire. Emmanuel Macron s’est interrog