
L'âge de la bêtise
Le conflit des interprétations, lié à la désintermédiation du savoir, pose un problème politique : comment coexister sans un socle commun de vérités ? Pour le résoudre, il faut observer que chaque progrès technologique dans la collecte des données requiert un progrès pour les hiérarchiser. Nous nous trouvons dans la situation de Bouvard et Pécuchet : non pas ignorants, mais bêtes, parce que nous ne savons pas maîtriser la profusion d’informations.
« Que de choses à connaître ! Que de recherches – si on avait le temps ! »
Sur la fin de son cycle de domination, l’empire romain fut secoué par un conflit interprétatif qui touchait le statut même de la réalité. Les chrétiens revendiquaient leur appartenance à un autre monde face à une société structurée autour du culte des idoles dont, depuis Auguste, la plus haute était l’empereur. Il y avait là une menace concrète à l’ordre civil : la foi en Jésus-Christ était loin d’être une pure abstraction, puisqu’elle les motivait à suivre une règle de vie rigoureuse et à braver la mort pour témoigner de cette vérité supérieure. Ponce Pilate, ayant convoqué Jésus, lui avait bien demandé : Quid est veritas ? Mais il faut surtout rappeler que le préfet de Judée s’éloigna sans attendre la réponse. Le conflit des interprétations pose avant tout un problème politique. La question cruciale n’est alors pas de connaître la vérité, mais plutôt de co