
Violences monumentales. Peut-on désarmer les symboles ?
Peut-on désarmer les monuments à la violence coloniale et esclavagiste sans les détruire ? Les contestations récentes du patrimoine, à Paris ou à Brunswick, soulignent que le racisme et la violence font obstacle à un projet politique commun. Risque-t-on de dissimuler l’histoire en cachant l’offense ?
Un collègue, éminent spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, disait, à juste titre, il y a de cela maintenant près de dix ans : le problème de l’histoire de l’art, c’est qu’il n’y a pas de morts. Son propos se situait entre le sarcasme bienveillant et le constat sincère. L’histoire de l’art peut relever de l’enchantement béat, de la mise en série de chefs-d’œuvre qui ne le sont qu’au prix de leur abstraction de toute réalité sociale, même dans la litanie muséale de la peinture religieuse, dont l’iconographie repose sur la cruauté et l’horreur des supplices infligés aux martyrs chrétiens. Cependant, dans l’entretien qu’elle a accordé à Esprit, Claire Barbillon, historienne de la sculpture et directrice de l’École du Louvre, affirme qu’il n’est plus un seul historien de l’art formaliste, autrement dit qui limite son analyse des phénomènes artistiques à des questions plastiques ou d’histoire des formes. La discipline, poussée par la jeune génération, s’est détournée de cette tendance au profit de questions plus politiques de la fabrique de l’art. D’ailleurs, les méthodes des sciences sociales commencent à pénétrer plus systématiquement l’enquête patrimoniale.
Quoi qu’il en soit, il ne fait aucun doute qu’une discussion d’historiens sur les guerres au Soudan et en Éthiopie, ou encore l’étude anthropologique des charniers rwandais et de ceux de la Shoah, réduisent à néant le sens de travaux et de recherches sur l’art, si bien que ses porteurs se sentent imméd