
La place des femmes. Une difficile conquête de l’espace public de Michelle Perrot
Une nouvelle version de Femmes publiques (Textuel, 1997) prend « la mesure de ce qui a changé depuis lors dans les rapports public/privé à l’aune du genre ». L’enquête sur l’espace public des femmes s’articule comme un dialogue avec le journaliste et professeur d’histoire Jean Lebrun, qui ne porte pas tant sur l’écrit que sur l’iconographie, laissant de magnifiques photographies, estampes et illustrations dévoiler la place des femmes à Paris aux xixe et xxe siècles. Chaque image constitue une occasion de se recueillir dans le cours de la réflexion, sur un sourire, un geste, un regard, avec Paris en fond où, à l’instar des villes grecques de Pythagore, « une femme en public est toujours déplacée ». En effet, les femmes, comme la Ménade de Scopas, sont associées au désordre, à une sensibilité instinctive qui va jusqu’à la menace. Le volume observe, depuis la Révolution française qui « fonde l’espace public contemporain », l’histoire des femmes, sa progression et ses belles conquêtes vers l’émancipation. Au départ, les femmes ne circulent dans l’espace public que sous justification – là où les appellent leurs fonctions ménagères ou mondaines. Elles ne deviennent une véritable présence publique qu’à travers les tumultes du xixe siècle. « L’histoire des femmes aujourd’hui est devenue un véritable champ traversé par les problématiques du temps », écrit Michelle Perrot, qui en retient trois : la parité dans les lieux du pouvoir, la reconnaissance juridique de la violence sur les femmes, et une sensibilité commune exacerbée, dont le mouvement #MeToo est le dernier avatar. Dans Une chambre à soi (1929), Virginia Woolf a bien saisi les contraintes qui accompagnent l’exclusion des femmes de l’espace public. Comment la sœur fictive de Shakespeare, pourvue d’un même talent que son frère, aurait-elle pu le mettre à profit ? Mais entre cette dernière et elle-même, Virginia Woolf constate pourtant une nette amélioration. Cette amélioration jamais achevée, observée par Michelle Perrot, nous parvient comme un héritage précieux et une tâche à poursuivre.