
Un fils perdu de Sacha Filipenko
Trad. par Philie Arnoux et Paul Lequesne
Un fils perdu, premier roman de l’écrivain biélorusse publié en 2014, mais troisième à être traduit en français après Croix rouges et La Traque1, est troublant tant l’actualité internationale lui confère une résonance politique particulière, au risque même de faire oublier ses qualités littéraires intrinsèques. L’intrigue se résume aisément : en 1999, à la suite d’un mouvement de foule dans un souterrain de métro, Francysk, un jeune homme de 16 ans, élève d’une école de musique dans une ville de Biélorussie, tombe dans le coma ; quand il se réveille dix années plus tard, au moment précis où sa grand-mère, la seule à avoir cru obstinément à sa rémission, meurt, il lui faut retrouver ses marques dans un contexte inédit et appréhender un monde qui pourrait lui être devenu étranger.
En filigrane à la référence à des événements historiques précis, le récit brille par l’ingéniosité de Filipenko à rendre sensibles les affects bousculés du héros et de ceux qui l’entourent, son talent pour permettre à une pluralité de voix de raconter des moments de vie en lien direct avec des pages d’histoire, son recours à un humour souvent noir pour laisser affleurer une colère sourde, son habilité à dessiner la géographie d’une ville, d’un immeuble, d’un appartement. Soumission, censure, oppression, terrorisme, tortures, arrestations, mais aussi amitié, amour familial, espoir, résistance et man