Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

Flux d'actualités

Le lendemain de l’élection de Marine Le Pen

Dans le contexte d’une guerre qui massacre les êtres humains et leurs droits, Marine Le Pen, dès le lendemain de son élection, serait un danger non seulement pour la France mais aussi pour l’Europe. 

Le lendemain du jour où Marine Le Pen est élue, il se produit un effet de cadrage social quasi immédiat. Les Français racistes sortent de l’ombre et redressent le menton : le risque d’explosion d’injures, de gestes et de crimes racistes, parfois sous uniforme policiers, augmentera mécaniquement, grâce à cette sourde autorisation venue d’en haut, source d’impunité potentielle. Les jeunes aux teints pluriels seront alors en plus grand danger dans l’espace public, les parents des quartiers ne dormiront plus, mortellement inquiets quand leur progéniture sera dehors la nuit.

Dans les « quartiers » périurbains mélangés et précaires, désignés comme « n’étant plus la France », l’armée viendra bientôt aider la police à « rétablir l’ordre » et, certaines nuits, les jeunes identitaires d’extrême droite, souvent entraînés aux sports de combat, viendront aussi tenter de « reconquérir les territoires perdus de la République ». Et les prisons vont éclater de surpopulation en très peu de temps. Un changement d’atmosphère, au début insensible, mais plus sombre et plus tendue, modifiera nos démarches, nos échanges, la manière dont nos regards se croisent dans l’espace urbain : le lien social non verbal perdra en connivence.

Dans le même temps, les exilés, migrants, refugiés de toutes les couleurs, ceux que tant de militants de gauche défendent depuis des années mais dont le vote blanc du second tour va causer le malheur, verront leurs extrêmes difficultés de survie se redoubler d’une véritable terreur. En effet, des camions passeront, encore la nuit, pour les sortir des tentes bleues et les emmener dans des lieux de dé/rétention entourés de barbelés, avant l’expulsion vers l’enfers qu’ils ont eu le courage de quitter. Les mineurs isolés étrangers seront en grand danger en France.

Contre les « assistés », bientôt, les allocations sociales seront réduites puis supprimées, et les budgets des associations de terrain se verront souvent asséchées. Sur le moyen terme, des mesures visibles pour le pouvoir d’achat des Français « de souche » viendront masquer une paupérisation dramatique de toute une fraction de la population précaire que les syndicats, de plus en plus étouffés, ne pourront plus défendre. Les associations humanitaires et de défense des droits humains auront une activité plus compliquée. L’ensemble du secteur social sera progressivement étranglé.

De drôles de têtes apparaîtront sur les écrans et le « genre » sera désigné comme ennemi théorique national : les facultés de sciences sociales se verront de plus en plus stigmatisées dans un changement étonnant de rhétorique académique. Les changements législatifs, qui abîmeront la séparation des pouvoirs et mettront en danger les libertés d’expression et d’action juridique, ne s’inscriront que petit à petit et de façon masquée, de plus en plus faisandées de fake news officielles.

Mais revenons au surlendemain : très vite, les amis français de Poutine et les professionnels du FSB viendront aux côtés de leur petite sœur pour l’aider à pourrir le terrain de l’information et lui donner les dernières recettes du thé au Novitchok… Un marais des riches membres de l’internationale d’extrême droite, avec Steve Bannon en cher ami, viendront aussi caresser les chats de Marine et lui dire comment procéder.

Présidente de l’Europe, cette Europe où les députés du Front national sirotent une soupe dans laquelle ils crachent, Marine Le Pen en changera immédiatement l’orientation internationale avec l’aide du nouvel élu hongrois d’extrême droite. En arrêtant les sanctions contre la Russie, sous prétexte « d’équité entre les belligérants », en stoppant l’aide à la résistance ukrainienne héroïque sous prétexte de pacifisme, en quittant l’Otan au plus vite sous prétexte d’indépendance nationale, en rétablissant les médias prorusses sous prétexte de lutte contre la censure, elle tentera de sauver l’image de Poutine dans les quinze jours qui suivront son élection et, ce faisant, fera gravement reculer la civilisation européenne.

En conséquence, le hasard historique de cette année 2022 fait qu’une Marine Le Pen, dès le lendemain de son élection, sera un danger non seulement pour la France, mais aussi pour l’Europe. Comme toutes les extrêmes droites aidées par Poutine, elle sera à sa botte, dans le contexte d’une guerre qui massacre les êtres humains et leurs droits.

Véronique Nahoum-Grappe

Véronique Nahoum-Grappe est anthropologue et ethnologue. Elle a travaillé sur la violence, les rapports entre les sexes, la dépendance (voir notamment Vertiges de l'ivresse. Alcool et lien social, Descartes et Cie, 2010 ; Du rêve de vengeance à la haine politique, Desclée de Brouwer, 1999). Tout en s'intéressant aux lieux de violence et de privation de liberté (camps de réfugiés en ex-Yougoslavie,…