
À l’heure suisse. Rencontre avec Pierre Bergounioux
À l’occasion de la réédition chez Fata Morgana de L’Empreinte de Pierre Bergounioux, Amaury Nauroy évoque sa rencontre avec l’écrivain, en 2012, lors d’une conférence sur le poète suisse Charles-Albert Cingria. Du Limousin de Bergounioux à la Suisse romande de Cingria, il interroge la manière dont les lieux laissent en nous une empreinte, façonnent et habitent l’écriture.
Avec une sincérité déconcertante, Pierre Bergounioux reconnaît qu’il perd « la notion de l’espace1 » chaque fois qu’il voyage vers l’Est, comme s’il lui était impossible d’éprouver la totalité de son être en dehors des limites géographiques que son enfance lui a prescrites. L’un de ses livres les plus personnels, L’Empreinte, s’ouvre et se clôt sur l’affirmation superlative de son appartenance à un lieu unique : « Je suis de Brive. » Partout ailleurs, que ce soit à Limoges, où il fit ses études, à Paris, par la force des choses à Frasne et de l’autre côté du Jura, il se sent dépossédé d’un paysage essentiel, le seul dont il puisse parler, pour l’avoir habité. Il faut dire que, tel qu’il se la représente, l’enclave gréseuse du Bas-Limousin n’a rien à voir avec l’idée que nous nous faisons, nous qui n’y sommes pas allés, des « plus mauvaises terres » de France. C’est, sous sa plume, une somptueuse caverne d’Ali Baba, d’où l’on part tantôt pour d’intenses pêches à la ligne, tantôt pour la collecte d’insectes, comme le procuste chagriné, la cétoine et je ne sais quel coléoptère cataphracté de chitine que Bergounioux, une fois capturés, éthérise puis monte sur épingle pour convenablement les identifier, situer, dater.
Brive, c’est avant tout une terre pour l’œil. Le site est d’une exceptionnelle rareté. La quasi-totalité du système géologique se trouve concen