
L'idéologie de la Silicon Valley
Loin d’être neutre, l’ingénierie sociale de la Silicon Valley porte un programme politique, dont le déni prémunit les entreprises contre toute responsabilité.
Lieu ou métaphore, la Silicon Valley n’en finit pas de faire fantasmer. Synonyme de réussite économique, creuset de start-up devenues des multinationales, elle constitue aussi l’éden de toutes les rêveries techno-futuristes. À l’instant même où d’autres acteurs promeuvent la version autoritaire des technologies – la Chine en tête –, la version californienne, qui se pare volontiers d’une tradition anti-étatique et anti-bureaucratique, est plus que jamais associée à toutes les promesses de liberté. Le discours qui accompagne ses produits propose en effet de mettre fin aux hiérarchies, de rendre la société plus participative, de permettre aux individus de plus et de mieux communiquer, d’accomplir la fin du travail et d’aboutir à la société de l’abondance. Son utopie est avant tout celle d’une société hors-sol, au travail virtuel et aux supports dématérialisés, avec des citoyens affranchis de toute attache, pouvant se connecter de partout. Dans cet empire de silicium, le soleil ne se couche jamais : lorsque les analystes de Palo Alto ferment leurs tablettes, une cohorte de travailleurs situés à plusieurs fuseaux horaires de là, à Bangalore en Inde, reprennent leur tâche, avant de la leur rem
De la classe virtuelle aux ouvriers du clic |