
Séries noires
Les séries explorent la défiance des citoyens envers les élites : House of Cards démonte avec cynisme les arcanes du pouvoir, Mr. Robot pousse la théorie du complot à l’extrême, tandis que Years and Years verse dans la rhétorique du chaos.
Le cinéma américain ne cesse de mettre en scène la relation ambivalente qui noue l’individu au collectif, le citoyen au corps social, l’électeur anonyme au cénacle politique. De D. W. Griffith à Frank Capra, toute une tradition cinématographique donne à voir des fictions populistes qui dramatisent l’engagement de quelques anonymes contre la machine politique[1].
Le populisme, du grand au petit écran
Les fables de Capra ont tracé les archétypes d’un populisme de gauche, dans lequel le decent man se confronte aux arcanes du pouvoir. Chez le cinéaste d’origine italienne qui a conquis Hollywood, l’« homme de la rue », au cœur de son film de 1941, transcende l’écran. Qu’il relate les péripéties d’un poète et joueur de tuba jeté en pâture dans la ville de New York (L’Extravagant Mr. Deeds, 1936) ou le combat d’un boy scout propulsé sénateur pour satisfaire à son insu les ambitions d’un politicien roué (Monsieur Smith au Sénat, 1939), Capra ausculte l’opposition de principe entre la candeur de ces héros d’un jour et l’art du stratagème inhérent à la pratique du pouvoir. Une conflictualité alors nourrie par les stigmates de la guerre de Sécession et, plus largement, l’immensité d’un espace abritant des géographies, des tempéraments et des usages hétérogènes, encore récemment mis en lumière par Jean-Baptiste Thoret dans son road movie documentaire, We Blew It (2017).